Depuis son entrée en campagne, le candidat sortant va de découverte en découverte.
Le 22 février sur France 2, il s'indignait de l'explosion des rémunérations des dirigeants du CAC 40.
Le 6 mars, il s'offusquait que des multinationales françaises ne payent pas ou presque pas d’impôts.
Le 11 mars, à Villepinte, il se scandalisait des insuffisances de l'Europe dans la mondialisation.
Le candidat sortant a «compris» que l'Europe «ouverte à tous les vents» est une Europe «passoire» dangereuse pour ses salariés, ses entreprises, ses territoires, ses savoir‐faire. Il ne reste plus à M. Sarkozy qu'à en parler au président de la République!
Le candidat de la droite n'est pas seulement sortant en France: il est sortant comme dirigeant européen.
Il a présidé le Conseil Européen du 1er juillet au 31 décembre 2008.
Il a présidé le G8 de janvier à décembre 2011.
Il a présidé le G20 de novembre 2010 à novembre 2011.
Il a été l'instigateur, avec la majorité de droite en Allemagne, de 16 Sommets de la zone euro en 24 mois.
Il est le chef du parti auquel appartient Michel Barnier, Commissaire européen au marché intérieur et aux services.
Bref, en Europe comme en France, le quinquennat finissant est celui d'un bilan: le bilan du sarkozysme dont la responsabilité dans la crise de l'Europe est écrasante.
1) Le candidat sortant est le complice d'une Europe libérale et d'austérité
Dans son discours d'investiture le 16 mai 2007, M. Sarkozy promettait de se battre pour «une Europe qui protège». Quelques mois plus tard, les engagements de la campagne passés par dessus bord, il épousait la ligne néolibérale des ultras de la CDU:
Les Pactes «de compétitivité» et «pour l’euro plus» défendus par le Président français et la Chancelière Merkel ont imposé le versant libéral du modèle allemand dans l’Union économique et monétaire: inscription obligatoire de pseudo‐règles d'or dans les Constitutions des Etats membres, désindexation des salaires sur les prix, retraite à 67ans, harmonisation de l’impôt sur les sociétés vers le moins‐disant. Telle est la logique des droites franco-‐allemandes qui mène l'Europe dans le mur : le «Traité de stabilité» adopté à leur initiative repose sur la même approche–tout pour l'austérité, rien pour la croissance.
L'agenda social européen a été le grand absent de la Présidence française de l'UE en 2008. Dans son intervention télévisée du 30 juin 2008, M. Sarkozy déclarait que l’Europe ne «devait pas s’occuper de tout» et que les questions sociales devaient rester nationales. Son Gouvernement n’a donc proposé ni la directive‐cadre promise sur les services d’intérêt général et ni une révision de la directive sur le détachement des travailleurs pour lutter contre le dumping social. Seule réussite de la France pendant son mandat européen: faire passé la durée hebdomadaire du travail maximale en Europe de 48 à 65 heures!
L’abandon du programme européen d’aide aux plus démunis–que le Gouvernement Sarkozy-Fillon s'était engagé à défendre–est un autre revers de notre diplomatie face à l'Allemagne. La suppression de ce programme qui permet à 18 millions d'Européens de bénéficier d’une aide alimentaire gratuite aura des conséquences sociales et humanitaires lourdes.
- Pour redresser l'Europe, il y a un projet: celui de F. Hollande. Il renégociera le traité issu de l'accord du 9 décembre 2011 afin qu'il tienne compte de la croissance et de l'emploi. Il mobilisera la BCE à cet effet et en créant des euro-obligations.Il défendra un budget communautaire 2014‐2020 au service des grands projets d'avenir.Il proposera un nouveau traité d'amitié dans l'égalité France- Allemagne, 50 ans après le traité de l'Elysée signé par De Gaulle et Adenauer.
2) Le candidat sortant fut un Président passif face à la crise commerciale
«Oui au libre‐échange, non à la concurrence déloyale», a lancé le candidat sortant à Villepinte, accusant l'Europe d'ouvrir ses marchés aux entreprises étrangères sans exiger la réciprocité.
Plutôt qu'enfoncer une porte ouverte à quelques semaines de la présidentielle, M.Sarkozy aurait mieux fait:
− de lire le projet socialiste adopté en mai 2011 où l'expression «Europe passoire» est inscrite en toutes lettres;
− d'écouter les débats lors des primaires citoyennes dans lesquels tous les candidats défendaient la réciprocité commerciale;
− de s'inspirer de la plate‐forme présidentielle de F. Hollande où est proposée une «nouvelle politique commerciale pour faire obstacle à toute forme de concurrence déloyale et pour fixer des règles strictes de réciprocité en matière sociale et environnementale».
Ces références lui aurait permis de ne pas faire perdre 5 ans à l'Europe en faisant de mauvais choix:
- Les questions commerciales ont été totalement absentes des agendas des Présidences Françaises de l'UE et du G20. Le renforcement du rôle de l'Eurogroupe dans la gestion de la monnaie unique pour sortir de l'impasse de l'euro cher ne fait l'objet d'aucune ligne dans le Traité d'austérité présenté par les droites franco‐allemandes. Le 11 février 2012,J‐F. Copé qualifiait de «ridicule» la proposition de F. Hollande de rééquilibrer le système monétaire international pour desserrer l'étau yuan‐dollar autour de l'euro. Les manipulations d'un candidat en bout de course n'y changeront rien: pour la droite, la régulation de la mondialisation n'est pas une ambition,c'est une contradiction.
- Quant à la taxe carbone qu'il promettait d'instaurer en Europe «pour faire face aux dumping écologique», ce projet a rejoint l'armoire des promesses non tenues du sarkozysme.
- Au final,les propositions du candidat-‐sortant consistent à faire moins bien...ce qui existe déjà. Ce n'est pas le Parti socialiste qui le dit mais M. Barnier, ancien Ministre de Gouvernement Fillon: l'idée de «Buy European Act»est à l'agenda de la Commission européenne depuis plusieurs mois et sera «présenté dans quelques semaines» selon l'aveu même de celui qui est devenu Commissaire européen...Défendre une politique à laquelle on s'est toujours opposé et qui est en cours d'élaboration, à quelques semaines de l'élection, ce n'est pas faire une proposition, c'est tenter une diversion.
>Contre une Europebunker, celle du protectionnisme autarcique et de la guerre économique, contre une Europe-passoire qui nous transforme en sous‐traitants industriels pour le reste du monde, F. Hollande propose que l’UE se dote des moyens d’exiger une réciprocité commerciale auprès de nos partenaires: inscription des normes sociales, sanitaires et environnementales dans les échanges mondiaux; mise en place d’écluses tarifaires aux frontières de l’Europe pour faire respecter ses normes; mise en place d'un système monétaire équilibré, dans lequel l'euro serve vraiment les intérêts de l'Europe, des ses industries et ses PME; réorientation des missions de la BCE pour mettre fin à la politique de l’euro cher.
3)Un Président-candidat incohérent face aux enjeux migratoires
«La France [pourrait] suspendre sa participation aux accords de Schengen» a‐t‐il affirmé à Villepinte. Cette proposition formulée en urgence pour mobiliser les électeurs de la droite extrême et de l'extrême droite a tout d'un symbole pour le quinquennat: les gesticulations remplacent la vision. Décidément,avec M.Sarkozy, présidence rime avec incohérence.
> Incohérence lorsque le 8 mars, quelques jours avant l'annonce de Villepinte, le Ministre de l’Intérieur n'a pas jugé bon de participer au premier débat politique sur la gouvernance de...Schengen. A Villepinte, Sarkozy promet comme il respire; à Bruxelles, Guéant laisse la chaise de la France désespérément vide.
>Incohérence lorsque, le 9 juin 2011, à l'occasion du Sommet des 27, la France de M. Sarkozy a défendu l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'espace Schengen «d'ici la fin 2012» selon le souhait du Ministre de l'Intérieur. Pourquoi avoir accepté cet élargissement si c'est pour expliquer que rien ne marche 6 mois après?
>Incohérence lorsque le 15 octobre 2008, la Présidence française de l'Union européenne a proposé au Conseil européen l'adoption d'un «Pacte européen pour l'immigration et l'asile» qui rappelle que «l'un des fruits les plus remarquables de l'Union européenne est la constitution d'un vaste espace de libre circulation couvrant aujourd’hui la majeure partie du territoire.
>Incohérence lorsque cette proposition du candidat sortant intervient quatre mois après l'adoption du même mécanisme de réintroduction coordonnée des contrôles aux frontières intérieures dans des circonstances exceptionnelles par la Commission européenne.
>Incohérence lorsque la volonté de M. Sarkozy nécessite une révision pure et simple du Traité de l'Union européenne adopté en 1997 par 26 pays alors même qu'il ironise sur le souhait de F.Hollande de renégocier le traité d'austérité qu'aucun pays n'a encore ratifié. Pour la droite, la France peut mettre tout son poids dans la balance pour cibler les étrangers aux frontières de l’Europe, mais pas respecter le choix des Français sur le Traité constitutionnel européen en 2005 ou pour relancer la croissance à l’intérieur des Etats membres aujourd'hui!
- F. Hollande propose une politique migratoire juste et efficace: définition de critères de régularisation clairs et transparents, lutte implacable contre l’immigration clandestine et les réseaux mafieux qui l’alimentent, débat national annuel sur l’immigration au Parlement, abrogation des circulaires Guéant sur les étudiants étrangers.
Le discours de Villepinte du candidat UMP sur l'Europe est une nouvelle mystification:
M.Sarkozy découvre les sujets qu'il a toujours ignorés;
F.Hollande veut résoudre les problèmes qu'il a toujours dénoncés.
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