Vous avez voulu faire de votre congrès une occasion assez exceptionnelle de convoquer démocratiquement les candidats à l’élection présidentielle, enfin presque tous, pour répondre aux interrogations qui sont les vôtres et confronter les propositions que vous faites et les engagements des candidats. Je m’inscris pleinement dans cette démarche. Je salue votre fédération, les associations qui en sont membres, le million de militants bénévoles qui se dévouent. La démocratie, ce n’est pas seulement de voter tous les cinq ans pour le président de la République. La démocratie, c’est aussi, dans le cadre associatif, de prendre part au destin du pays, de s’engager sur des projets, parfois contre des projets, mais d’être des citoyens actifs. Et c’est en ce sens que je suis très attaché à l’indépendance des associations en matière d’environnement.
La crise que nous traversons n’est pas seulement une crise financière, économique, sociale, c’est aussi une crise environnementale. Nous avons traversé, et nous traversons encore, une période où les ressources naturelles s’épuisent, où la biodiversité recule, où le C02 se concentre, et il est à craindre que si cette crise perdure, en même temps que la crise économique, il s’en trouvera parmi nos concitoyens qui penseront qu’il faudrait mettre de côté la préoccupation environnementale. Alors que je crois profondément que l’écologie et l’environnement sont les leviers pour sortir précisément de la crise.
Le temps écologique est un temps long. Il appelle donc une logique altruiste, démocratique, responsable, et c’est la raison pour laquelle je considère que nous avons à passer un partenariat écologique pour permettre la transition écologique et énergétique. Le partenariat part de ce qui existe. Le Grenelle est un acquis. La méthode, la concertation à Cinq, a été saluée. La prise de conscience de l’urgence environnementale également. La première loi sur le Grenelle a été un succès. Elle a permis de nombreuses avancées. Mais la deuxième a été déjà plus limitée. La volonté politique a faibli. Les moyens financiers n’ont pas suivi. Les objectifs n’ont pas été atteints. C’est la raison pour laquelle, devant vous, je prends l’engagement d’ouvrir un dialogue environnemental qui devra être au même niveau que le dialogue social. Non pas que je veuille opposer le social et l’environnemental ; le lien est direct. Mais nous devons avoir un agenda. Et si demain, je suis le prochain président de la République, j’ouvrirai une conférence environnementale qui prévoira un agenda, des priorités, des objectifs, des moyens pour les atteindre et des indicateurs permettant d’en faire l’évaluation. Cette méthode-là est essentielle si nous voulons réussir. Elle est fondée sur le respect, respect de tous ceux qui viendront dans ce partenariat. Et il faudra ajouter aux Cinq les parlementaires, parce qu’il est très important que les élus qui votent les lois soient directement impliqués dans la recherche des objectifs et des moyens pour les atteindre.
Il y aura deux grandes priorités dans l’agenda : la préservation de la biodiversité et la mutation énergétique.
Sur l’agenda lui-même, il sera au niveau national mais aussi au niveau local. C’est la raison pour laquelle j’engagerai une nouvelle étape de la décentralisation pour que de nouvelles compétences soient données aux élus, avec les moyens correspondants, à la condition, là encore, qu’aux niveaux local, départemental et régional, il y ait également ce dialogue environnemental nécessaire pour atteindre les objectifs.
La démocratie, c’est aussi la participation des citoyens et des associations au grand débat. J’ai entendu un certain nombre de propositions, et notamment sur l’énergie, de faire voter le peuple français. Ma démarche n’est pas celle-là, et je préfère vous le dire tout de suite. Je veux qu’il y ait un grand débat citoyen avec une commission nationale pluraliste qui en sera chargée. Ce débat prendra le temps qu’il faudra, six mois, un an si c’est nécessaire. Au terme de ce débat, c’est le Parlement qui votera la loi de programmation de la transition énergétique.
J’ai moi-même fixé un certain nombre d’objectifs et d’étapes. J’ai considéré que pour la diversification énergétique, il fallait qu’elle soit fondée sur trois principes : la sécurité — la sûreté donc -, l’indépendance et l’emploi. J’ai affirmé la nécessité de diminuer la part du nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2025 de 75 % à 50 %. Dans le quinquennat, la centrale de Fessenheim sera fermée. Et l’industrie nucléaire deviendra aussi une industrie d’excellence en matière de démantèlement.
Parallèlement, une politique industrielle sera mise en œuvre pour les énergies renouvelables, avec la création d’un fonds de capital-développement pour soutenir les entreprises qui s’engageront dans cette filière. Les tarifs de rachat d’énergie seront fixés à des niveaux permettant de favoriser la géothermie, l’éolien, l’énergie hydrolienne et les panneaux solaires sur les bâtiments. Je prends l’engagement que ce tarif de rachat ne variera pas selon les circonstances. De la même manière, les avantages fiscaux accordés au soutien des énergies renouvelables ne seront plus discutés année après année. Ce sera encadré dans toute la législature, c’est-à-dire que ce qui aura été fixé au point de départ sera également appliqué au point d’arrivée.
Je veux également, en même temps que la diversification énergétique, l’efficacité énergétique. Je propose la mise aux meilleures normes énergétiques d’un million de logements — 600 000 dans le parc ancien, 400 000 pour les nouveaux logements. L’innovation thermique sera une grande priorité. Les réseaux intelligents seront favorisés, aussi bien pour les bâtiments industriels que pour les bureaux, et bien sûr pour les immeubles résidentiels. Pour réduire la consommation de carburant, le fret ferroviaire et le développement des transports doux seront favorisés. La sobriété énergétique sera donc la règle pour atteindre l’efficacité.
Enfin, je suis pour une économie écologique. Nous avons besoin de nouveaux modes de développement, de nouvelles activités. Il y a une nouvelle donne en termes d’emploi, d’investissements à distribuer. Je veux encourager l’écoconception des produits, leur durabilité, leur fonctionnalité, la proximité des lieux de production et des lieux de consommation. Donc, une nouvelle économie.
La fiscalité écologique en sera l’un des instruments. Je prends devant vous trois engagements.
Le premier, c’est de porter en France le niveau de la fiscalité aux normes européennes. Nous avons aujourd’hui du retard. Nous le comblerons. Le principe sera celui du « pollueur payeur ». Et si nous avons à changer le mode de financement de la protection sociale, ce sera aussi, si nous devons baisser les prélèvements sur le travail, en appelant les prélèvements sur la pollution pour financer la protection sociale.
Le deuxième engagement, c’est de procéder dès le début du quinquennat à un examen systématique de l’ensemble des dispositions fiscales défavorables à l’environnement, et d’évaluer tous les dispositifs qui ont été présentés comme favorables. Nous ferons cette évaluation. Il y aura donc une nouvelle donne fiscale qui sera fixée dès le début du quinquennat. Et elle sera fixée durablement. Le principe que je pose, c’est la stabilité des règles, stabilité des règles pour la législation, stabilité des règles pour la fiscalité.
Ensuite, nous avons à évoquer les tarifications en matière environnementale. La tarification actuelle veut que plus nous consommons, moins nous payons. C’est une aberration. Je voudrais donc proposer aux Français de maîtriser leur consommation dans un contexte d’énergie durablement chère. Il y aura donc un forfait de base pour chaque foyer, pour satisfaire les besoins essentiels et à un coût moindre. Plus la consommation augmentera, plus le tarif s’élèvera.
Il y aura, parce que je suis sensible à la grande question de la précarité énergétique et que je ne veux pas opposer le social à l’écologie, un forfait adapté pour 8 millions de nos compatriotes qui aujourd’hui souffrent de la précarité énergétique, et qui auront donc un tarif adapté.
Je veux évoquer un sujet sensible, celui de l’agriculture. Trois principes, là encore, doivent être posés : la proximité et les circuits courts, la qualité — c’est aussi la sécurité pour les consommateurs — et la diversité. Il y aura une grande réforme, celle de la Politique agricole commune, à conduire. Je ferai en sorte que les critères agro-environnementaux soient des critères qui permettent la distribution des aides aux agriculteurs. J’insisterai sur la multiplicité des agricultures. Il n’y a pas qu’une agriculture en France, qui aurait toujours le même mode de développement. Il y en a plusieurs. C’est une richesse pour la France que d’avoir cette diversité de productions, de produits, de tailles d’exploitation, de modes de culture de nos terres. J’aurai là encore plusieurs engagements à prendre devant vous : promouvoir la production biologique, réduire l’usage des pesticides, interdire l’utilisation des OGM en plein champ, mettre en place un étiquetage « sans OGM ».
Et nous devrons aller plus loin. Il nous faut mobiliser la recherche, l’enseignement agricole autour de ces nouveaux enjeux. Et puisque je parle d’enseignement, de recherche, d’éducation, c’est la grande question qui, finalement, nous unit tous au-delà de nos sensibilités : qu’allons-nous allons faire pour les générations qui viennent ? L’éducation à l’environnement devra être dans les apprentissages de base, parce que c’est finalement la citoyenneté, c’est l’autonomie, c’est la capacité de décider librement de ce que l’on consomme ou de ce que l’on ne consomme pas.
Et puisque je parle de la recherche, la recherche doit être mise davantage qu’aujourd’hui au service de l’environnement. Je n’oppose pas le progrès et l’écologie. Le progrès est au service de l’écologie, à condition qu’on y mette tous les moyens nécessaires et qu’on cherche comment améliorer la vie. Donc, sur la recherche, nous devons aller plus loin sur un certain nombre d’évaluations des impacts de l’environnement sur la santé. Par exemple, le Plan cancer devra introduire un volet environnemental pour comprendre ce qui peut être des facteurs permissifs pour la maladie. Il en est de même pour les recherches sur les technologies, où là aussi nous devons faire des corrélations entre ce qui se passe autour de nous, sur nous, et les maladies qui, hélas, se diffusent.
J’aurai également à agir au plan européen et au plan international, si les électeurs m’en donnent mandat.
Au plan européen, un traité est en cours de discussion. Je ne reviendrai pas sur son contenu actuel, les disciplines nécessaires, les responsabilités. Faut-il aller jusqu’à imposer des plans d’austérité dans tous les pays ? Je ne le crois pas, et ce n’est pas le sujet d’aujourd’hui. Ce qui manque à l’Europe, c’est une politique de développement, une politique énergétique commune. Il y aurait tant à faire ensemble pour préparer les grandes infrastructures qui nous permettraient d’avoir davantage de fret ferroviaire, qui nous permettraient d’économiser l’énergie, qui nous permettraient d’être un des meilleurs au monde dans les énergies renouvelables ! C’est cette politique commune de l’énergie que je ferai en sorte de promouvoir.
Et puis, il y a le rendez-vous international le plus proche, ce sera au mois de juin prochain, Rio + 20. Nous devons avoir une volonté d’aboutir, et nous devons arriver à une organisation mondiale de l’environnement, comme il existe une Organisation mondiale du commerce, comme il existe une Organisation internationale du travail. Ce devra être la perspective que le prochain président devra ouvrir.
Je veux terminer pour dire que les enjeux, tels que vous les avez vous-mêmes présentés et auxquels j’ai voulu répondre, nécessiteront la mobilisation de tous les acteurs. Bien sûr, du prochain président de la République, de son premier ministre qui devra être directement chargé de la transition écologique. Chaque ministre devra avoir lui-même sa feuille de route en matière de transition écologique dans le domaine de sa compétence. Et enfin, il doit y avoir tous les acteurs, acteurs locaux, acteurs associatifs, et les citoyens eux-mêmes. Nous avons besoin du concours de tous. Il y a heureusement des causes dans notre pays, au-delà des élections, qui devraient nous rassembler. Il y a bien sûr des intérêts, il y a bien sûr des idéologies, il y a bien sûr des peurs, des frilosités. Et puis, il y a la dictature de l’urgence. Mais il y a un moment où nous devons aller à l’essentiel. L’essentiel, c’est de considérer qu’il y a des dettes financières — sûrement —, des dettes sociales — à l’évidence — mais qu’il y a aussi des dettes écologiques que nous ne pouvons pas continuer, là, d’augmenter année après année, en transmettant ce fardeau aux générations futures.
Je veux terminer sur cette réflexion : toute ma campagne, toute ma démarche, c’est de considérer que la jeunesse doit être prioritaire. Et parce que je fais de la jeunesse la grande cause du prochain quinquennat, si les Français le veulent, je suis conscient que la question du pacte écologique est nécessaire. Nous sommes la génération de la transition. C’est notre responsabilité, à vous, à nous, de permettre de passer d’une économie à une autre, de sources d’énergie à d’autres sources d’énergie, d’un mode de vie à un autre mode de vie. Nous devons préparer ensemble le monde de demain. Et c’est parce que j’ai la responsabilité des générations futures que je suis prêt à relever le défi avec vous.
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