Mes chers amis, quel plaisir une nouvelle fois d’être à Dijon, la ville de mon ami François Rebsamen, la capitale de la Bourgogne, si chère à François Mitterrand, la région présidée par François Patriat. A Dijon, il y a cet après-midi comme un parfum de printemps, le printemps qui vient, le printemps qui annonce les victoires du mois de mai.
Chers amis, quel plaisir de retrouver ici les responsables des partis qui me soutiennent, Martine Aubry, Jean-Michel Baylet, et aussi les présidents de groupes, je pense à Jean-Marc Ayrault. Mais quel honneur vous me faites, comme candidat à l’élection présidentielle, d’être accueilli par le Président du Sénat ! Même François Mitterrand n’avait pas eu cette faveur, et pourtant il s’y était remis à trois fois ! C’est la première fois dans l’histoire de la République qu’il y a un Président socialiste du Sénat. Cher Jean-Pierre Bel, sois fier de cette responsabilité. C’est un symbole, celui de tous nos succès aux élections municipales, cantonales, régionales de ces dix dernières années. Sois fier aussi parce que ton élection a été un signe, celui de l’annonce de notre prochaine victoire.
Quel plaisir aussi de vous saluer, foule immense, foule nombreuse, ici rassemblée et en dehors même de ce Zénith, plusieurs milliers qui nous regardent au soleil ! Quel bonheur de retrouver ici les élus de toute la France, socialistes, radicaux, républicains, venus si nombreux. Vous êtes les premiers représentants de la République, mais aussi, vous êtes ses premiers serviteurs. Vous vous dévouez chaque jour pour améliorer le cadre de vie des Français, pour changer nos villes, pour donner espoir à nos banlieues, pour animer nos villages, bref, pour donner de la vitalité et surtout de l’humanité à nos territoires.
Elus de toutes les assemblées de France, communales, départementales, régionales, je veux ici, à Dijon, et au-delà de vous rassemblés ici, rendre hommage à tous ces élus de la République. Dans ces moments de défiance que certains entretiennent avec complaisance à l’égard de la politique, vous, élus de la République, vous préservez le lien entre la France et les citoyens. Dans ces temps où l’argent est devenu la mesure du prestige, vous servez l’intérêt général sans rien demander en retour. Dans cette période où le pouvoir se concentre au sommet de l’Etat, vous faites vivre l’esprit de la décentralisation. Les lois de décentralisation ont trente ans. Nous les devons à François Mitterrand, à Pierre Mauroy, à Gaston Defferre. Ces lois ont changé la France. Elles ont libéré les collectivités de la tutelle de l’Etat. Elles ont surtout permis d’inventer les politiques publiques et de mieux répondre aux besoins de la population, et de donner aux élus les responsabilités qu’ils attendent depuis des décennies. Il y a trente ans, c’étaient encore les préfets qui étaient les exécutifs des départements. Il y a trente ans, les régions n’étaient pas des collectivités locales de plein exercice. Il y a trente ans, les communes étaient soumises à des tutelles financières, techniques, politiques. Voilà ce que les lois de décentralisation ont donné à notre pays : le souffle de la démocratie.
Elus de la République, je suis l’un d’entre vous. Je préside un conseil général, celui de la Corrèze, un département rural où l’agriculture souffre, où les services publics reculent, et qui en même temps crée, innove, invente. J’ai été maire de Tulle, une ville attachée à sa préfecture. Nous craignons toujours qu’on nous la prenne, et nous avons néanmoins perdu le Tribunal de grande instance. Une ville qui défend âprement son hôpital tous les jours, et qui subit, comme partout ailleurs, ce qui s’appelle la RGPP. Une ville qui se bat avec des moyens limités pour se construire un avenir, comme toutes les communes de France. J’ai éprouvé de la fierté d’être appelé « Monsieur le Maire ». Aujourd’hui je suis appelé « Monsieur le Président », mais du Conseil général — je veux ici rassurer ceux qui pensent que je suis déjà passé de l’autre côté ! « Monsieur le Maire » était le plus beau compliment démocratique qu’il était possible de m’adresser. Je n’oublie pas qu’avec les cinq lettres de « maire », on écrit le mot « aimer ». Et c’est vrai qu’il faut aimer sa commune, qu’il faut aimer sa ville, son village, et les habitants d’où qu’ils viennent, pour exercer ce beau mandat de maire.
Je n’oublierai jamais le conseil qu’avait donné François Mitterrand à la fin de son second septennat, c’était au Congrès des maires de France en novembre 1994. Il leur avait dit cette chose simple que j’ai gardée en mémoire : « Pour être président de la République, il faut aimer la France ». Et il ajoutait : « pour être aimé, mieux vaut être aimable ». La leçon vaut bien au-delà d’ici, et elle doit être entendue partout. C’est parce que j’aime la France que je me suis porté candidat à la présidence de la République. Parce que je refuse de la voire affaibli, abaissée, amoindrie, abîmée.
Aimer la France, c’est la servir. Aussi, je suis venu ici, devant vous, élus de la République, pour vous livrer ma conception de la présidence. Vous dire comment diriger un grand pays comme la France, avec ses cultures politiques contradictoires, ses conflits d’intérêts, ses urgences brûlantes, ses attentes multiples. Un grand pays partagé entre la reconnaissance des diversités et le besoin d’unité nationale. Un pays dont le peuple aspire à être autant dirigé qu’écouté. Un pays qui attend beaucoup de l’Etat, parfois trop, mais s’en méfie tout autant. Un pays qui s’interroge sur son destin, sur son avenir, sur sa place en Europe dans le monde.
Je ne suis pas venu pour vous présenter une nouvelle constitution. Nous en avons eu dix-neuf depuis la Révolution française, et nous devons faire une pause. Ce qui ne signifie pas — je veux rassurer certains de mes amis — de renoncer à faire évoluer notre texte fondamental dans le cadre d’une République nouvelle.
Mais ce que je veux changer tient à une pratique, celle qui compte aux yeux des citoyens, et qui s’appelle le respect, la considération, la démocratie, le sens de l’Etat. Depuis cinq ans, nous vivons sous le règne de « l’omniprésidence ». Le régime d’un seul – parce qu’élu par toute la Nation –, qui prétend pouvoir décider de tout, sur tout, partout – en fait, certains l’ont reconnu ! Je m’interrogeais, je m’inquiétais – mais en fait, au-delà de cette tentation que d’autres avant lui ont pu connaître, l’omnipotence conduit à l’impuissance. A vouloir concentrer tous les pouvoirs, on finit par n’en exercer aucun ! Et cette impuissance elle-même engendre l’irresponsabilité. L’irresponsabilité, où ce qui est dit n’est pas fait et où ce qui est fait n’est pas dit. Bref, un système où le bilan n’est pas revendiqué, où l’erreur n’est pas reconnue et où l’échec est toujours mis sur le compte d’autrui plutôt que sur soi-même.
Je veux donc exprimer aux Français les principes qui guideront la nouvelle présidence que je veux incarner.
Le premier devoir du prochain président sera de rendre des comptes, de dire régulièrement au pays le sens de l’action publique, de présenter tous les six mois l’évaluation des résultats par rapport aux objectifs, de donner au Parlement les moyens efficaces pour contrôler les politiques publiques, et de vérifier chaque année la confiance de l’Assemblée nationale à l’égard du gouvernement.
Le prochain président devra montrer l’exemple. Je ne parle pas du statut du chef de l’Etat – qui devra être réformé –, ou de sa rémunération qui devra être diminuée. Je parle de la façon dont il devra remplir sa fonction. Le pouvoir entraîne toujours l’excès s’il ne s’impose pas à lui-même des limites. Aujourd’hui, le premier engagement que je prends devant vous, c’est d’en terminer avec les outrances, d’en finir avec le « toujours trop », avec la confusion des genres, et d’ouvrir un temps nouveau : celui de la constance, de la cohérence, de la clarté.
Aimer la France, c’est la servir. Aussi, je suis venu ici, devant vous, élus de la République, pour vous livrer ma conception de la présidence. Vous dire comment diriger un grand pays comme la France, avec ses cultures politiques contradictoires, ses conflits d’intérêts, ses urgences brûlantes, ses attentes multiples. Un grand pays partagé entre la reconnaissance des diversités et le besoin d’unité nationale. Un pays dont le peuple aspire à être autant dirigé qu’écouté. Un pays qui attend beaucoup de l’Etat, parfois trop, mais s’en méfie tout autant. Un pays qui s’interroge sur son destin, sur son avenir, sur sa place en Europe dans le monde.
Je ne suis pas venu pour vous présenter une nouvelle constitution. Nous en avons eu dix-neuf depuis la Révolution française, et nous devons faire une pause. Ce qui ne signifie pas — je veux rassurer certains de mes amis — de renoncer à faire évoluer notre texte fondamental dans le cadre d’une République nouvelle.
Mais ce que je veux changer tient à une pratique, celle qui compte aux yeux des citoyens, et qui s’appelle le respect, la considération, la démocratie, le sens de l’Etat. Depuis cinq ans, nous vivons sous le règne de « l’omniprésidence ». Le régime d’un seul – parce qu’élu par toute la Nation –, qui prétend pouvoir décider de tout, sur tout, partout – en fait, certains l’ont reconnu ! Je m’interrogeais, je m’inquiétais – mais en fait, au-delà de cette tentation que d’autres avant lui ont pu connaître, l’omnipotence conduit à l’impuissance. A vouloir concentrer tous les pouvoirs, on finit par n’en exercer aucun ! Et cette impuissance elle-même engendre l’irresponsabilité. L’irresponsabilité, où ce qui est dit n’est pas fait et où ce qui est fait n’est pas dit. Bref, un système où le bilan n’est pas revendiqué, où l’erreur n’est pas reconnue et où l’échec est toujours mis sur le compte d’autrui plutôt que sur soi-même.
Je veux donc exprimer aux Français les principes qui guideront la nouvelle présidence que je veux incarner.
Le premier devoir du prochain président sera de rendre des comptes, de dire régulièrement au pays le sens de l’action publique, de présenter tous les six mois l’évaluation des résultats par rapport aux objectifs, de donner au Parlement les moyens efficaces pour contrôler les politiques publiques, et de vérifier chaque année la confiance de l’Assemblée nationale à l’égard du gouvernement.
Le prochain président devra montrer l’exemple. Je ne parle pas du statut du chef de l’Etat – qui devra être réformé –, ou de sa rémunération qui devra être diminuée. Je parle de la façon dont il devra remplir sa fonction. Le pouvoir entraîne toujours l’excès s’il ne s’impose pas à lui-même des limites. Aujourd’hui, le premier engagement que je prends devant vous, c’est d’en terminer avec les outrances, d’en finir avec le « toujours trop », avec la confusion des genres, et d’ouvrir un temps nouveau : celui de la constance, de la cohérence, de la clarté.
Le mandat de président de la République est exceptionnel. J’en sais la grandeur, la servitude. J’en connais la rigueur. J’en mesure l’exigence. Je m’y suis préparé. Elle exige de celui qui en a la charge ou de celui qui la sollicite, des qualités particulières, une hauteur de vue, une vision de son pays, une capacité à affronter les risques et les aléas majeurs et l’aptitude à la décision. Mais toutes ces qualités ne sont pas incompatibles avec la simplicité, la proximité et, j’allais dire, la normalité.
Le pouvoir – et je l’ai observé depuis bien longtemps –, ne réside pas dans les apparences. Le pays s’est lassé des proclamations sans lendemain, des annonces sans suite, des indignations sans effet. Le pouvoir s’use à force de ne pas servir le pays. La brutalité heurte. L’agitation fatigue et l’isolement enferme. Ma démarche est donc l’inverse de ce que viens de décrire. L’autorité appelle la sérénité. La légitimité requiert le respect. Et la puissance suppose la confiance. C’est la meilleure façon de rester en contact avec le pays.
Le prochain président sera indépendant. Etre indépendant : il faut une vigilance de chaque instant, un esprit toujours alerté, le refus obstiné de céder aux tentations de tous ordres.
Indépendant, d’abord, de son propre parti. Socialiste je suis, socialiste je resterai. Mais je ne serai jamais le chef de mon parti ! Non pas parce que je l’ai déjà été, mais parce que la fonction présidentielle fait que celui qui l’exerce n’est plus le chef d’un parti : il est le chef de l’Etat. Indépendant de son parti veut dire que je n’aurai pas à nommer les responsables de ma formation politique. Je n’aurai même pas à contribuer par mes amitiés à son financement. Et je ne recevrai pas à l’Elysée les parlementaires qui me soutiennent. Le rôle des parlementaires et d’être au Parlement !
Indépendant, oui ! Indépendant des puissances de l’argent. Le nouveau président se doit de le mettre à distance, de n’entretenir ni complaisance, ni connivence – pas davantage d’indifférence. Recevoir les patrons du Cac 40 ? Autant que nécessaire. Etre invité par eux ? Le moins possible !
Etre indépendant, c’est être le garant de la laïcité. Respecter scrupuleusement la neutralité de l’Etat, la liberté de conscience et faire à tout moment la distinction entre sa propre croyance personnelle, respectable au demeurant, et la représentation de tous les Français dans leur diversité.
Le nouveau président décidera – mais pas de tout. Il décidera de l’essentiel, du cap à tenir, de la route à suivre. L’omniprésence est néfaste, ou plutôt elle est illusoire. « C’est être nulle part que d’être partout », disait Montaigne. Et pourtant, il n’y avait pas les moyens de déplacement que l’on connaît aujourd’hui ! Décider, oui, mais décider à sa place. Le gouvernement jouera tout son rôle – et j’entends retrouver la lettre de notre constitution : le Premier ministre ne doit pas être un collaborateur, mais l’animateur d’une équipe. Le gouvernement déterminera et conduira la politique de la Nation. Les ministres ne seront pas des souffre-douleur, des faire-valoir, des prête-noms. Ils seront les chefs de leur administration. Bref, je suis venu vous annoncer une grande nouvelle ici à Dijon : si je suis élu président de la République, il y aura donc un gouvernement !
Pour décider, il faut savoir écouter. Bien écouter, c’est déjà répondre. J’attacherai donc du prix, et donc du temps à la concertation et au débat sur les grandes questions. Je sais la complexité de notre pays, sa diversité, ses contradictions. Je sais aussi les difficultés qui nous attendent. En démocratie, on préside par le dialogue, pas par le monologue. C’est cette méthode qui permettra de faire les choix nécessaires, indispensables, courageux. Car chacun, ici, connaît la situation de notre pays. Les défis qui nous attendent, les contraintes financières, les redressements à engager. Il n’y aura pas de perte de temps, mais il n’y aura pas non plus de précipitation. Un agenda sera fixé au lendemain de l’élection présidentielle, avec les partenaires sociaux comme avec les collectivités locales, pour établir sur la durée du mandat nos responsabilités respectives pour la transformation du pays.
Le président qui redressa la France ne le fera pas seul. Il n’aura d’ailleurs de chances de réussir que s’il rassemble autour de lui toutes les forces vives de la Nation, et d’abord les élus, les partenaires sociaux et les citoyens.
Le nouveau président veillera à l’impartialité de l’Etat. Un Etat impartial, c’est-à-dire un Etat qui sert les citoyens, et non le pouvoir. Un Etat impartial, c’est-à-dire un Etat qui concourt à l’intérêt général et non à l’intérêt d’un parti. Un Etat impartial c’est un Etat respectueux de son administration. Nous avons la chance, ici en France, et depuis des décennies, d’avoir une fonction publique de grande qualité, recrutée dans l’excellence, et enviée par beaucoup de nos voisins. La représentation de l’Etat, ce sont les préfets dans les départements et les régions, des ambassadeurs partout dans le monde, des directeurs d’administration centrale chargés de prendre en charge les grands dossiers du pays, et enfin des magistrats qui rendent la justice au nom du peuple Français.
Je ne suis pas sûr que ces hauts fonctionnaires, que ces magistrats, aient été bien traités, ces cinq dernières années. Déplacés comme des pions, moqués comme des petits pois, regardés comme des gêneurs, contournés comme des obstacles, considérés comme des subalternes… Je déplore également que durant le quinquennat qui s’achève, il ait été procédé à des nominations partisanes, parfois issues des cercles les plus proches et les plus intimes, voire des obligés, particulièrement au ministère de l’Intérieur, et même au service des renseignements. Mais pour se renseigner sur qui ? Et sur quoi ? Cette politique de nomination a été jusqu’aux établissements financiers, jusqu’à l’audiovisuel public, et même dans les services hospitaliers.
Ce n’est pas ma conception. A l’avenir, les hauts fonctionnaires seront nommés sur leurs compétences et leur expérience ; et la seule loyauté, la seule qui leur sera réclamée, sera celle à l’égard de l’Etat et non à l’égard du chef de l’Etat.
L’Etat, ce n’est pas l’Etat UMP : ce ne sera plus l’Etat UMP, mais ça ne sera pas davantage l’Etat PS. L’Etat, c’est l’Etat ! L’Etat c’est la propriété de tous les citoyens et je leur rendrai cette justice et ce droit. Le nouveau président respectera les pouvoirs qui ne procèdent pas du sien et d’abord le pouvoir législatif.
Je suis député depuis 25 ans. Je n’aspire pas nécessairement à le rester mais en même temps, je sais ce qu’est la grandeur de ce mandat. Je connais et je mesure le rôle du Parlement. C’est le lieu où les idées s’expriment, où les controverses s’assument, où les propositions s’affrontent, où la loi républicaine s’écrit.
Mais je sais combien nos assemblées ont connu une forme de déclin, la majorité ayant constamment le sentiment de manquer d’utilité – c’est vrai – et l’opposition, la certitude qu’on lui manque de respect. C’est exact. De nouveaux droits seront reconnus au Parlement pour contrôler le gouvernement, enquêter sur les dysfonctionnements de l’administration, engager de grands débats. Et il y en a ! Sur l’énergie, sur le nucléaire, sur les lois de bioéthique : voilà de belles délibérations pour un Parlement doté de pouvoirs. Lever la contradiction, et arbitrer entre les intérêts. L’opposition sera pleinement associée à ces initiatives.
Pour que ce Parlement puisse être doté de nouveaux droits, les membres devront se rendre entièrement disponibles, parce que c’est un travail à temps plein de représenter le peuple français. Et j’insiste sur ce point : un député, un sénateur, ne représentent pas une circonscription, un département, une région. Ils représentent la Nation toute entière. C’est pourquoi je ferai voter dès les débuts du prochain quinquennat, la fin du cumul d’un mandat parlementaire avec une fonction d’exécutif local.
Je sais ce qu’il en coûtera à beaucoup d’élus qui ont consacré leur vie, justement, à faire en sorte que leur commune, leur département, leur région, puisse être représenté au Parlement. En même temps, ils comprendront que dans ce nouveau Parlement, et avec la décentralisation qui sera approfondie, chaque mandat se suffira à lui-même.
Le Parlement en lui-même doit mieux représenter le pays. Nous introduirons donc une part de proportionnelle dans le mode de scrutin législatif. C’est un engagement qui vient de loin et non pas une découverte subite. Je suis très heureux d’ailleurs que sur ce sujet, nous ayons convaincu largement, y compris les esprits les plus récalcitrants. Mais enfin, leur conversion aurait pu être plus précoce ! Le candidat sortant aurait pu en faire la démonstration dès le début de son mandat. J’ai envie de lui dire : « c’est trop tard ». Il ne l’a pas fait : nous le ferons !
Respecter les autres pouvoirs, c’est respecter l’autorité judiciaire, qui n’aura aucun lien de subordination avec le politique. Le conseil supérieur de la magistrature sera réformé. Les magistrats du Parquet seront nommés dans les mêmes conditions que ceux du Siège. Et la justice appartiendra pleinement au peuple Français, au nom duquel d’ailleurs, elle rend ses décisions.
Je respecterai la liberté d’information. Sans le droit de tout dire, et de le dire en dehors de toute contrainte, il n’est pas de République. La presse écrite doit, dans notre pays, jouer un rôle majeur, y compris avec la révolution numérique. Je sais ce que les journalistes font, au-delà des campagnes présidentielles. Je sais ce qu’ils font partout, en France, dans le monde : chercher l’information, pour nous donner à nous-mêmes l’éclairage nécessaire pour former notre jugement. Je m’incline avec respect face à la douleur des familles qui ont été frappées parce que des journalistes ont fait leur devoir d’information, en allant en Syrie, pour nous dire combien ce régime massacrait son propre peuple. Je me souviens de ce photographe, Rémy Ochlik, qui nous suivait dans nos déplacements pour la campagne présidentielle, et qui a eu le courage d’aller en Syrie au péril de sa vie. Je regarde avec bonheur le retour des journalistes de Syrie, qui viennent enfin nous dire ce qui se passe là-bas. Alors si nous voulons qu’il y ait toujours cette liberté de la presse, nous avons besoin d’une presse indépendante et d’une presse écrite vivante. Nous aurons à revoir les aides à la presse.
Le prochain Président instaurera une nouvelle instance de régulation de l’audiovisuel. Ses membres seront nommés par les commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat, à la majorité qualifiée des trois cinquièmes. C’en sera fini de ce pouvoir, qu’un seul s’était arrogé pour nommer les présidents des sociétés d’audiovisuel publiques. Ce sera cette instance, le conseil supérieur de l’audiovisuel, qui élira les prochains responsables des chaînes publiques, contrôlera leur cahier des charges et renforcera la spécificité de ces chaînes, c’est-à-dire le service public.
Le nouveau Président reconnaîtra les forces vives de la Nation. On les appelle les corps intermédiaires : drôle d’expression d’ailleurs. On cherche les corps, on s’inquiète des têtes. Mais pourquoi « intermédiaires » ? Mais parce que c’est précisément ceux-là qui nous permettent d’être représentés dans la société. Les collectivités locales, les partenaires sociaux, les associations, les mutuelles, les groupements professionnels : bref ! Tout cela fait que nous sommes ensemble, dans la même société. Le candidat sortant s’en méfie. Il les contourne, voire même les dénonce. Eh bien ce n’est pas ma démarche ! Je travaillerai avec cette somme d’énergie que sont les représentations citoyennes, économiques, sociales. C’est un atout extraordinaire pour notre peuple. Je sais aujourd’hui que ces forces-là se découragent, qu’elles étouffent, qu’elles voudraient davantage de place. Je leur demande un peu de patience, un tout petit peu de patience : nous arrivons au mois de mai.
C’est pour ça que je ferai inscrire la démocratie sociale dans la constitution. Le dialogue social permet de préparer l’indispensable décision. On ne réforme pas le travail conte les travailleurs. On ne fait pas évoluer la fonction publique contre les fonctionnaires. On ne change pas l’école contre les professeurs, la santé contre les professionnels de santé, et même les entreprises contre les entrepreneurs. Même si au final c’est le chef de l’Etat, c’est le gouvernement, qui arbitrent et qui décident. N’opposons pas la démocratie politique à la démocratie sociale et pas davantage la démocratie représentative à la démocratie directe.
Le référendum doit être un instrument de consultation du peuple lorsqu’il y a nécessité à le faire. Je note d’ailleurs que depuis 5 ans, il n’en a pas été fait usage, alors que plusieurs fois la demande en avait été faite, pour de bonnes et de mauvaises raisons : sur le traité de Lisbonne, les retraites et même sur la TVA qui a augmenté d’1,6 point. C’est vrai qu’il y aurait eu peut-être matière à demander au peuple français son avis, encore que c’est la responsabilité du Parlement que d’en décider. Sur la TVA, je vous rassure, ce n’est prévu qu’au mois d’octobre ; ça tombe bien… ! Je vois que vous êtes rassurés sur le sort de ce prélèvement. Enfin, faites le nécessaire. Ça ne tombera pas tout de suite.
En même temps le recours au référendum peut se justifier dans deux cas de figure : un changement institutionnel d’ampleur, nécessitant une révision profonde de la constitution. Ce fut le cas en 1962, quand le Général de Gaulle a proposé au peuple français d’élire le Président de la République au suffrage universel direct. Ce fut le cas aussi quand le quinquennat a été institué. Le second cas de figure, c’est le transfert de souveraineté, comme en 1992 quand François Mitterrand a demandé aux Français de ratifier le traité de Maastricht, pour engager la marche vers l’euro ; comme en 2005, quand Jacques Chirac a demandé au peuple français d’approuver – en fait de désapprouver – le traité constitutionnel européen. On ne convoque pas le peuple Français sur une cause secondaire. C’est sur un enjeu majeur qu’il doit être appelé à se prononcer. C’est cela, respecter le peuple français.
Mes chers amis, je vous ai dit comment, si les Français m’en donnent mandat, je voulais présider la France, quelle était ma conception de l’Etat, du pouvoir, des institutions, quel rapport je voulais avoir avec la justice, les médias, mais aussi tout ce qui concourt à l’intérêt général.
Mais je suis aussi venu à Dijon vous parler de la décentralisation, et de ce que doit être la nouvelle marche en avant pour les collectivités de notre pays. C’est une déclaration de confiance que je suis venu prononcer vers nos élus. C’est aussi un appel à la mobilisation des collectivités au service des Français.
J’annonce ici un nouvel acte de décentralisation. La République, elle est forte par son Etat, mais aussi par ses territoires. C’est ainsi qu’elle s’est construite dans son histoire. Ce fut très long, ce fut heurté. Rendez-vous compte ! Il a fallu un siècle, un siècle, entre la loi du 14 décembre 1789, qui a inventé le mandat de maire, et la loi de 1884, qui a permis au conseil municipal d’élire le maire. Un siècle ! Les monarchies et les empires se méfiaient des élus et de ses milliers de communes. Il a fallu attendre les Républicains pour ouvrir cette liberté – c’est Jules Ferry qui en a été l’acteur – et un siècle encore pour qu’il y ait une grande loi, celle de 1982 pour faire entrer la France sur le chemin de la décentralisation, grâce à une autre grande figure de la République, François Mitterrand.
François Mitterrand qui avait eu cette formule : « La France a eu besoin de la centralisation pour se faire. Elle a besoin de la décentralisation pour ne pas se défaire ». Tel était son constat. Et il a fallu que la Gauche, encore après, invente une nouvelle étape : les conseils régionaux, qui deviennent des collectivités de plein exercice, les communautés de communes, qui puissent enfin se former. Mais depuis cinq ans, l’autonomie fiscale des collectivités locales a été réduite. Les transferts de charges n’ont plus été compensés. Les préfets ont été incités à fixer les limites de nos communautés de communes. Et la maîtrise par nos territoires de nos propres destins a été, à chaque étape, mise en cause.
Et voilà que le candidat sortant se permet de nous faire la morale, accusant les élus d’incurie budgétaire, d’irresponsabilité financière, d’incapacité dans la gestion des personnels ! Alors, je vais faire les rappels à l’ordre qui conviennent. Je rappelle que 80 % de la dette publique en France, c’est la dette de l’Etat. Je rappelle que le déficit de l’Etat est 67 fois supérieur à celui des collectivités locales. Je rappelle que les collectivités locales assurent plus des trois quarts de l’investissement public national. Et je rappelle enfin que les collectivités locales n’ont pas la possibilité de présenter leur budget de fonctionnement en déficit, et qu’il leur est interdit d’emprunter un euro pour leurs charges courantes. Si l’Etat était soumis aux mêmes contraintes que les collectivités locales, sa défaillance aurait été constatée depuis longtemps ! Et c’est la Cour des comptes qui ferait l’exécution du budget national ! Car aujourd’hui, près d’un tiers — un tiers ! — des dépenses de fonctionnement de l’Etat est couvert par l’emprunt. Il y a une seule conclusion à tirer de ces rappels, c’est que la Gauche fait confiance aux élus et que la Droite s’en méfie ; que la Gauche leur propose des contrats et que la Droite leur impose des décrets.
Voilà pourquoi j’engagerai cette nouvelle étape de la décentralisation. Je le ferai non pas simplement par principe, mais parce que j’ai une conviction, c’est que nos territoires sont des lieux de démocratie, d’énergie, de vitalité, de croissance. Et qu’au moment où il faut redresser la France, où il faut chercher des gisements pour l’investissement, pour la formation, pour l’innovation, c’est sur les territoires que nous les trouverons.
J’ai une deuxième conviction, c’est que la décentralisation permettra la réforme de l’Etat. Elle sera un facteur de clarté, de responsabilité. Elle écartera les superpositions, les enchevêtrements, les confusions. Elle sera même une source d’efficacité de la dépense publique, car il y aura forcément, partout, des économies à faire pour mieux servir les Français sans qu’il soit besoin de rehausser les prélèvements.
Ma dernière condition, c’est que c’est la mobilisation commune de l’Etat et des collectivités locales qui nous permettra — qui me permettra — de traduire les priorités que j’ai présentées devant le pays : le soutien des PME, la formation des jeunes, la petite enfance, le logement mais aussi la rénovation de nos universités, la recherche, la culture, l’environnement, l’écologie. C’est ensemble, Etat et collectivités locales, que nous arriverons à être à la hauteur des attentes qui sont portées sur nous.
Et si les Français m’accordent leur confiance, quelle chance, quelle opportunité s’ouvrirait pour le prochain président ! Ce serait la première fois qu’il aurait à ses côtés tous les présidents de régions — sauf un, mais peut-être viendrait-il vers nous ! Ce serait la première fois qu’il aurait tous les départements — enfin les deux tiers, mais je ne refuserai aucun concours ! — et de si nombreuses communes, la plupart des agglomérations. Alors oui, ensemble nous pourrons redresser le pays ! Voilà pourquoi je crois à la décentralisation.
Mais je sais aussi qu’il nous faudra un cadre pour travailler ensemble. C’est pourquoi je ferai voter une loi sur les territoires de la République, Responsabilité et confiance, qui sera présentée au Parlement avant la fin de cette année. Ce sera une des grandes réformes structurelles qui marqueront le début du quinquennat. Nous définirons là les bases du pacte de confiance et de solidarité entre l’Etat et les territoires de métropole comme d’Outre-mer pour la durée du quinquennat : objectifs en matière aménagement, règles stables sur les financements de l’Etat pour les cinq ans, engagement réciproque sur la période par rapport aux grandes priorités que j’aurai présentées.
Et pour y veiller, un Haut conseil des territoires sera créé, où les représentants des élus se réuniront régulièrement avec l’Etat, instance de concertation, de proposition, qui s’appuiera sur le Sénat qui doit rester le grand conseil des collectivités locales, puisque c’est son rôle dans la République.
Je ne crois pas à l’uniformité. Il faut accepter notre diversité territoriale, à condition qu’elle soit fondée sur la clarté et la confiance. La clarté, c’est la définition dans la loi du rôle de chacun, avec des compétences pleinement assumées et financées. Nos concitoyens doivent savoir qui fait quoi dans la République. La confiance, c’est tout simplement le principe de libre administration des collectivités locales. Les coopérations, les partenariats, les projets communs seront fondés sur le contrat. Je garantirai donc le niveau des dotations de l’Etat aux collectivités locales. J’engagerai une réforme de la fiscalité locale avec un seul objectif : la justice ; la justice entre les contribuables, la justice entre les territoires.
L’impôt local est un élément de l’autonomie des communes, des départements qui en sont maintenant privés ou presque, et des régions à qui l’on a ôté toute fiscalité. Les citoyens doivent pouvoir juger l’action de leurs élus. Et la responsabilité n’existe que si les élus sont capables de fixer les contributions locales et de rendre compte de l’usage qui est fait des deniers publics. C’est cela, la démocratie locale.
Mais je renforcerai parallèlement la solidarité financière de l’Etat et des collectivités locales vers les territoires. Je ferai de la péréquation entre collectivités un levier de la solidarité territoriale. Il est normal — et je ne veux stigmatiser personne ! — que Neuilly-sur-Seine paie pour Bobigny. Ça s’appelle la justice ! Ça s’appelle la justice entre les territoires !
La justice, c’est aussi — et j’en ai pris l’engagement — que l’Etat mette à disposition des communes les terrains dont il ne fait pas usage, et qui sont autant de mètres carrés dormants qui pourraient être utilisés au logement et au logement social. La justice, c’est la sanction financière qui devra être multipliée par cinq pour les communes qui ne répondent pas au pourcentage légal des logements sociaux.
Mais je veux donner aussi, et c’est tout l’enjeu de cet acte de décentralisation, une plus grande lisibilité à notre organisation territoriale. Aux régions le développement économique, l’aménagement du territoire, les transports publics, la formation, bref la préparation de l’avenir. Elles doivent être parties prenantes des politiques de l’emploi, pleinement associées à la gestion de la Banque publique d’investissement que nous allons créer et aux outils de financement pour les PME, pour l’innovation, pour l’économie sociale et solidaire. Des compétences leur seront reconnues en matière d’investissement dans l’enseignement supérieur et dans la recherche. Elles doivent aussi pouvoir disposer d’un pouvoir réglementaire leur permettant d’adapter la loi nationale aux réalités du territoire. Il reviendra au Parlement d’en décider à l’occasion de chaque loi. Et enfin, la gestion des fonds structurels européens devra être décidée par les régions, et non pas par l’Etat. Ce sont les régions qui doivent savoir ce qui est fait et ce qui doit être réparti sur le territoire.
L’Etat n’a rien à craindre de cette évolution. Il gardera la responsabilité de la politique économique, de la définition des grandes priorités et de la mise en cohérence des politiques.
Aux départements le rôle d’assurer et de renforcer les solidarités sociales et territoriales. Ils n’y parviendront que si les conseils généraux disposent de nouvelles ressources pour assumer les enjeux du handicap et du grand vieillissement. J’ai annoncé la reforme de la dépendance, qui a été tellement promise et jamais engagée. J’ai dit que cette fois-ci, ce sera fait, parce que c’est un devoir, un devoir à l’égard des plus anciens, un devoir à l’égard de leurs familles, un devoir de dignité. Cette réforme exigera de recourir à des recettes nouvelles, puisque les seules allocations dites APA n’y suffisent pas. Il y a deux façons de faire, soit aller chercher les techniques de l’assurance privée qui forcément, c’est son rôle, sélectionnera les âges, les risques, et peut-être même les fortunes. Et donc, nous avons comme option — oui, c’est vrai — la solidarité nationale, c’est-à-dire le fait que chacun, chacune, devra contribuer le plus tôt possible pour préparer sa fin de vie. C’est le sens de la réforme que nous conduirons.
De la même manière, puisque je parle du département, il sera mis fin au conseiller territorial — vous savez, cet être hybride qui ne verra jamais le jour. Ce qui supposera de revenir au mode de scrutin qui existait pour les conseils régionaux ; et pour les conseils généraux d’inventer un nouveau mode de scrutin qui devra assurer une proximité mais aussi une meilleure représentation de toutes les sensibilités, et respecter le principe de parité posé dans la Constitution.
Quant aux communes, nous en avons 36 000. On nous dit que ce serait un coût insupportable, que nous serions les seuls en Europe. C’est vrai, parce que c’est un héritage, qui n’est pas d’ailleurs celui simplement de la République. C’est ainsi que nous nous étions constitués pour faire des solidarités qui à l’époque s’inventaient sans avoir besoin de forme juridique. Eh bien, 36 000 communes, c’est une chance, c’est une présence humaine, administrative, c’est le maintien de services publics, c’est une somme d’engagements bénévoles. Mais c’est vrai aussi qu’il n’y aura d’avenir de la commune que s’il y a une intercommunalité de projets qui se donne une nouvelle structure avec un fonctionnement démocratique — ce qui suppose d’élire les conseils communautaires au suffrage universel en même temps que les conseils municipaux.
Mais il y a aussi les grandes villes et les agglomérations. Nous avons besoin de grandes métropoles européennes. Et là encore, il faudra franchir un pas décisif. Il faudra doter ces grandes agglomérations, celles qui pèseront à l’échelle de l’Europe et du monde, d’un statut métropolitain simple et attractif, adapté à chacune des agglomérations, leur permettant d’atteindre en termes de compétences, de ressources, de moyens, le niveau requis à l’échelle de l’Europe. Là aussi, faisons le pari de l’expérimentation, de la liberté, de la souplesse. Ne craignons rien si nous voulons que chacune de nos structures soit la plus adaptée à la réalité de nos vies.
Et permettez-moi d’évoquer un territoire qui a sa spécificité et son originalité dans notre vie administrative et politique française : c’est Paris et l’agglomération parisienne. J’en parle avec une affection particulière, parce que Paris n’est pas n’importe quelle capitale. C’est la capitale de la France. Elle rayonne partout dans le monde. Je salue son maire Bertrand Delanoë, ici présent. La France est d’autant plus grande que Paris est plus grand. C’est notre fierté, Paris, et nous n’irons jamais opposer les régions de France et notre capitale. Parce que Paris, c’est la première région européenne, l’Ile-de-France, ville du monde, capitale de la France. Et il est légitime que l’Etat se préoccupe de la métropole parisienne et de l’Ile-de-France. Douze millions de personnes vivent en Ile-de-France. Des problèmes de logement, de transport, de solidarité territoriale se posent chaque jour avec plus de gravité. Eh bien, je fais confiance aux élus de cette agglomération, grande agglomération, capitale de la France, pour définir ensemble les outils de la solidarité métropolitaine et pour inventer la structure et l’administration qui permettront de mobiliser les élus locaux. Et je fais confiance à leur créativité et à leur sens des responsabilités.
Mais la décentralisation n’est pas simplement faite de structures, de financements. Ce n’est pas simplement de donner les moyens d’agir. C’est aussi de dire ce que doit être notre vie commune sur le territoire français. La France est un pays qui a une telle diversité de paysages, de situations, de vies. Nous appartenons au même ensemble et nous ne sommes pas toujours dans les mêmes conditions de vie, entre un territoire rural, un centre-ville, une banlieue. Nous pouvons chacun avoir des liens les uns avec les autres, mais notre devoir, c’est de vivre ensemble, c’est de partager en même temps les mêmes émotions, les mêmes aspirations, les mêmes volontés. C’est ça, le rôle du président de la République, et c’est ça, la vertu de la décentralisation.
L’une des grandes menaces qui pèsent sur notre pays, c’est la désertification de pans entiers de notre territoire. Il faudra mener une politique volontariste — je prends le mot à dessein — pour conduire en zone rurale les réformes nécessaires, préserver les services publics, et les écoles en particulier, permettre les transports ferroviaires, assurer les réseaux de communication. C’est pourquoi j’ai pris l’engagement de couvrir d’ici à dix ans l’ensemble du territoire de très haut débit, parce que nous avons besoin de l’accès à toutes les informations.
Parce que là encore, c’est le droit de chacun à pouvoir se soigner, et ne pas en être écarté pour des raisons financières ou territoriales. Je veux être le président qui réussira le retour de la République partout : dans les territoires désertés, mais aussi dans les territoires déshérités !
La ségrégation spatiale est devenue l’autre nom de l’injustice sociale. Cela fait des années qu’on nous annonce un « plan Marshall » — sans que je voie d’ailleurs pourquoi le général Marshall est mêlé à nos aventures de banlieues ! Vocabulaire d’autant plus militaire que le résultat est consternant : les services publics y ont été affaiblis, l’école y a été sacrifiée. La police a été, en définitive, souvent enlevée de ces quartiers, et le terrain laissé à une autre loi : la loi de la force, la loi des caïds qui prétendent, comme à Marseille, faire la loi à la place de la République ! Eh bien, dans ces territoires enclavés et parfois ségrégés, si loin de nos métropoles et parfois si proches aussi, la République ne passe plus. Et avec elle, ce sont l’instruction, la protection, la solidarité, la santé qui ne passent plus. Eh bien, moi, je propose un pacte démocratique à toute la France : c’est qu’aucun enfant de la République ne puisse se considérer hors de la République ! Il ne doit pas y avoir un quartier, une cité, une zone urbaine qui n’appartienne pleinement, totalement, entièrement à la République !
Et c’est pourquoi j’ai dit que ma campagne serait autour de la jeunesse : parce que je veux donner à toute la France les moyens d’une réussite de la génération qui arrive. Et c’est la raison pour laquelle nous embaucherons – oui, en j’en revendique la nécessité –, nous embaucherons des professeurs, des surveillants, des assistantes sociales, des médecins scolaires, au nom de la justice dans les établissements où ces personnels sont nécessaires, sont attendus, tant ils ont été enlevés de là où ils étaient destinés ! La République ne laissera aucun de ses enfants se détourner d’elle. Elle sera partout, pour assurer sa promesse et rendre à chacune et à chacun la fierté – je dis bien la fierté – d’être un citoyen français, parce qu’il aura reçu ce que la République lui aura promis.
Dans le même esprit, je souhaite dire un mot fraternel à nos départements et territoires d’Outre-mer, dans un moment où ces régions et départements souffrent : souffrent d’une vie chère, souffrent du chômage. Là-bas, 60 % des moins de 25 ans sont au chômage. Où la crise est rude, lourde. Où la crise de confiance est installée. Eh bien là encore, je l’affirme, ces départements et ces régions font partie de la France, de la République ! Et si ces habitants ont pu en douter, c’est parce qu’ils n’ont pas été respectés. Et là encore, le maître mot pour ces territoires et des départements, c’est l’égalité – l’égalité de tous ! Voilà pourquoi je lancerai cette nouvelle étape de la décentralisation.
Et dans le même temps, je veux maintenir et renforcer l’autorité de l’Etat. Je crois en l’Etat. C’est la puissance qui protège les faibles. C’est la seule arme des désarmés. L’Etat, en France, a précédé la Nation. Il l’a façonnée. L’Etat est porteur des valeurs d’égalité, de liberté, de dignité, mais aussi d’efficacité. L’Etat, ce sont aussi les femmes et les hommes au service de leurs concitoyens. Les fonctionnaires, je veux saluer leur dévouement, leurs compétences et leur sens des responsabilités. Je veux leur dire ma confiance. Je ne leur dis pas que tout sera possible au lendemain de notre victoire. Partout il faudra rechercher la meilleure façon d’offrir des services à la population. Et j’ai déjà dit que si nous stabiliserons les effectifs de la fonction publique, je donnerai priorité à l’éducation, à la recherche, à la sécurité et à la justice.
Chers amis, l’Etat c’est la République. La République, ce sont des valeurs. C’est une histoire. La vôtre, la nôtre. La République, c’est l’esprit de 1789, quand furent abolis les privilèges, une nuit du 4 août, et que fut établie l’égalité de tous devant l’impôt. Cette formule n’a rien perdu de son actualité. La République, ce fut la Seconde République qui décida de l’abolition de l’esclavage en 1848. 1848 ! Il a fallu attendre ce temps-là pour assurer l’égalité entre tous les êtres humains. La République, c’est la Troisième, qui a institué l’école laïque, gratuite et obligatoire – et nous devons en être dignes ! La République, c’est un gouvernement provisoire au lendemain de l’Occupation qui a décidé de donner, enfin, le droit de vote aux femmes ! Que de temps perdu ! La République, ce fut la Quatrième, qui créa la sécurité sociale en 1946, au nom de la solidarité entre tous les citoyens. Et la Cinquième République, nous avons eu du mal à le reconnaître, mais c’est la Cinquième République qui a enfin terminé le processus de décolonisation – il était bien temps ! – et l’indépendance de l’Algérie avec le Général de Gaulle. Et c’est sous la Cinquième République que l’alternance, enfin, arriva, avec François Mitterrand, républicain et socialiste qui a permis les grandes conquêtes sociales, la décentralisation, les libertés et l’abolition – enfin ! – de la peine de mort en France !
C’est notre histoire ! C’est l’histoire de la France, qui nous unit, qui nous rassemble, qui nous réconcilie au-delà de nos différences ! Voilà pourquoi je m’assigne cette belle tâche, si les Français m’accordent leur confiance, de rassembler et de réconcilier autour de la plus belle cause qui soit : la promesse de la République.
J’ai fait 60 propositions. C’était lors de notre rassemblement du Bourget. J’en formule devant vous une 61ème ! Elle ne concerne pas un impôt dont j’ai déjà parlé. Elle ne touche pas à la dette publique ni au déficit. Elle ne coûtera pas un seul euro – et c’est pourquoi elle doit être la plus chère à notre cœur et la moins coûteuse. Elle se résume tout simplement à l’application du premier article de notre constitution : « la France est une république indivisible, démocratique, laïque et sociale ». Voilà l’engagement que je prends !
La République indivisible, c’est la République qui sait ce qui nous rassemble, qui ne craint rien sur son unité, qui est capable de laisser une large place aux libertés locales, à la diversité, aux expérimentations, qui fait confiance aux territoires et qui fait aussi prévaloir la solidarité.
La République indivisible, c’est celle qui est fière de sa langue : la langue française. Belle langue ! Langue de la diversité, langue de l’exception, langue de la culture. Langue qui s’offre aux autres. Et parce que nous ne craignons rien pour la langue française, nous ratifierons aussi la charte des langues régionales – parce que c’est aussi une demande qui nous est faite et qui est légitime.
La République démocratique, oui – parce qu’elle ne l’est pas assez. Parce que nos modes de scrutin devront être modernisés. Parce que la parité devra être installée partout. Parce que la diversité, celle que je vois ici, devra se retrouver au Parlement, au gouvernement de la France, partout où il y a des lieux de décisions. La démocratie, parce que quand des personnes vivent sur notre territoire depuis des années – c’est déjà fait pour les résidents communautaires, ce sera fait pour les résidents non communautaires –, ces personnes-là ont bien le droit de voter aux seules élections municipales sans que nous n’ayons rien à craindre sur notre citoyenneté, ou notre cohésion nationale, ou notre liberté !
Le droit de pétition sera élargi, reconnu – et les assemblées locales devront se prononcer sur les sujets que les citoyens eux-mêmes voudront mettre en débat. Voilà ce que seront les nouvelles étapes de la démocratie.
La République, elle est laïque. Je dis mon attachement à cette belle valeur, à ce grand principe qui n’est pas la religion de ceux qui n’ont pas de religion. C’est le fondement du vivre ensemble. La laïcité protège la liberté individuelle la plus intime, la plus précieuse : la liberté de conscience, la liberté de croire ou de ne pas croire. Elle protège l’égalité des femmes et des hommes entre eux. Elle protège contre les influences, contre les violences. Et c’est pourquoi j’ai proposé d’inscrire dans notre constitution les principes de la loi de 1905 : pour que le respect de ces principes puisse se traduire autant qu’il sera possible dans notre droit.
Et enfin, la République doit être sociale. Et là, nous avons beaucoup à faire ! Le quinquennat qui s’achève a été celui des plus favorisés. Et c’est pourquoi, comme candidat et si vous en décidez, comme président, je n’aurai qu’une idée qui m’animera : la justice, l’égalité, la justice sociale, la justice territoriale, la justice fiscale ! C’est toujours la même histoire : la République contre les privilèges – privilège de l’argent, privilège de la naissance, privilège de la culture. La République est faite pour l’égalité. Elle est faite aussi pour la morale publique. Pour le patriotisme. Pour la vertu républicaine. C’est le sens de ce que j’ai proposé : dire à chacune et à chacun, surtout quand ils disposent des plus hauts revenus et des plus grands patrimoines, qu’il ne peut pas être possible de demander un effort à tous les Français et de s’en dispenser au prétexte qu’on aurait plus de puissance, plus de talent !
1 million d’euros, ai-je dit, quand j’ai appris que certains patrons – pas tous, heureusement – s’étaient augmentés de 34 % en 2010, avec des revenus annuels en moyenne de 2 millions d’euros ! Et donc, c’est vers eux que je me tourne, en leur disant : si vous voulez participer à la marche du pays, montrer l’exemple, assurer la direction de vos affaires – et c’est légitime –, alors faites la démonstration que vous-mêmes vous êtes capables de faire l’effort. Non pas de payer plus d’impôt. La seule façon, d’ailleurs, de ne pas en payer, c’est de ne pas vous rémunérer à ce niveau-là. 100 Smic, ça permet de vivre, et de bien vivre ! Et tant mieux, c’est la récompense de l’effort et du talent. Mais la morale publique, la vertu, le patriotisme, ce sont des valeurs partagées. On me dit : attention, ils vont partir. Comment ? Je ne veux pas le croire ! Comment des hommes et des femmes qui se prétendent les dirigeants des sociétés les plus éminentes du pays – et je ne parle pas des sportifs – pourraient se dire que leur avenir serait ailleurs ? Mais moi je suis fier, je suis heureux de vivre en France, d’être là et d’être conscient que nous servons tous la patrie que nous aimons – que nous soyons au plus bas de l’échelle ou que nous puissions être aussi en haut, avec la même idée, la même approche, le même amour de notre pays, de notre République !
Je me souviens – et je veux terminer là-dessus –, je me souviens qu’en 1981 François Mitterrand avait été capable de créer un grand élan populaire pour réussir l’alternance, prendre le pouvoir. Eh bien je voudrais, 30 ans après, qu’un changement de même ampleur se produise. Le changement qui ne serait pas simplement le changement d’un pouvoir, celui du candidat sortant. Non, le changement n’est pas seulement le changement d’un pouvoir. C’est le changement du pouvoir en France. Le changement n’est pas simplement un acte de confiance pour le président, c’est une preuve de confiance à l’égard des Français. Je vous promets, si vous m’en confiez le mandat, que mes responsabilités ne m’éloigneront pas de vous, qu’elles ne m’empêcheront jamais d’être un, un parmi vous. Je ne perdrai jamais la force de mes convictions ni l’ardeur de mes indignations. Et je n’aurai pas d’autre ambition que de servir mon pays au nom de mes idées. Je veux une démocratie plus simple, mais aussi plus exigeante. Je vous promets donc le respect : respect des élus, respect des partenaires sociaux, respect des citoyens, respect du mandat qui m’aura été donné. Là est ma force ! Là est ma conscience ! Là est ma volonté !
Mes amis, une campagne présidentielle est un moment de vérité. Deux conceptions de la société, deux philosophies politiques, deux visions de l’avenir, deux manières de présider la France se font face. C’est une confrontation. Elle peut être belle, si elle n’est pas dégradée. C’est un combat qui n’est pas un pugilat, qui ne doit pas être une façon de dénigrer l’autre, mais une façon de nous rehausser nous-mêmes. La confrontation n’est pas faite pour détruire, elle est faite pour construire. Elle n’est pas faite pour diviser, elle est faite pour dépasser. Elle n’est pas faite pour dépasser, elle est faite pour surmonter.
Je n’ai pas été insensible à tous les « compliments » qui m’ont été faits par le camp d’en face ou à certaines promotions verbales qui parfois peuvent être des provocations. Mais je veille chaque jour à ne pas me laisser entraîner par la polémique, par la surenchère, par l’inflation du verbe. Les mots, qui ont toujours un sens, doivent être maîtrisés ! Les expressions qui parfois peuvent échapper à la pensée de leur auteur – c’est possible ! – doivent être retenues. Et les propositions doivent être faites pour convaincre et pas simplement pour vaincre l’adversaire du moment. Quant aux personnes, n’oublions pas, quels que soient nos sentiments, que l’un des candidats sera le prochain président.
Bref, soyons à la hauteur de ce qu’attendent les Français, de ce qu’ils vivent, des enjeux du pays, de l’Europe qui nous attend, du monde qui nous regarde. Je me suis engagé depuis maintenant un an dans cette course. Certains qui m’approchaient tout à l’heure me disaient : courage, courage ! Mais j’en ai ! J’en ai à foison ! Et celui qui viendrait à manquer m’est donné par vous. Je ne crains rien de ce côté-là. Je me suis donc engagé depuis un an dans cette course. La ligne d’arrivée est encore loin : 50 jours avant le premier tour – premier tour qui sera décisif, parce que c’est au premier tour que nous allons créer la dynamique pour la victoire. C’est au premier tour que nous allons nous rassembler pour être au plus haut le soir du 22 avril. Ne vous détournez pas ! Ne vous dispersez pas ! Ne vous éloignez pas ! Soyez là, le 22 avril ! Cette course, cette longue course, elle tient du marathon. De la course de haies. J’essaie de les franchir l’une après l’autre. Et beaucoup m’attendent encore. Après, il faudra faire le dernier coup de rein. Nous n’en sommes pas encore là, mais je compte sur vous. Je ne me détournerai pas de ma ligne. Je ne me laisserai pas emporter par je ne sais quels dénigrement et dévaluation, par je ne sais quelle surenchère. J’essaierai d’être toujours à la hauteur du mandat que vous m’avez confié à l’occasion des primaires citoyennes. Et dans cette course, je n’ai qu’un objectif, un seul objectif : la victoire ! La victoire de nos idées, sûrement. La victoire de nos valeurs, assurément. Et la victoire de la République ! La victoire de la France !
Vive la République ! Vive la France ! Vive la solidarité de l’Etat et la force des collectivités de notre territoire !
Merci à vous, à Dijon, de m’avoir donné une nouvelle fois la confiance que j’étais venu chercher ! Vive la République ! Et vive la France !
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.