Jadis hantise des mineurs à l'origine des meurtriers coups de grisou, le gaz de houille présent en quantités colossales dans le sous-sol lorrain pourrait être une solution pour la reconversion économique de cette région marquée par la fermeture des mines.
Pendant plus d'un siècle, des milliers de "gueules noires" ont âprement arraché le charbon du sous-sol lorrain.
Mais en 2004 fermait le dernier puits de charbon de la région à la Houve, près de Creutzwald en Moselle.
Le bassin houiller pourrait aujourd'hui tenir sa revanche en développant une nouvelle activité : l'exploitation du gaz de houille contenu dans les veines de charbon.
Une intention confirmée par le ministre ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg: la France va "exploiter le gaz de houille", a-t-il annoncé récemment sur France 2.
"C'est un élément de compétitivité (...) sans atteinte à l'environnement", a-t-il fait valoir.
European Gas Limited, entreprise enregistrée au Royaume-Uni, entame l'exploration du sous-sol lorrain et a lancé un plan d'investissement de 33 millions d'euros en deux ans pour financer ses forages dans la région.
Cinq puits devraient être creusés entre 2013 et 2014 en Lorraine pour l'exploration. EGL cherchera ensuite un partenaire pour l'exploitation du gaz de houille.
La production pourrait permettre d'extraire du sous-sol l'équivalent de neuf ans de consommation française en gaz, estime EGL.
Pour Antoine Le Solleuz, maître de conférences en géologie à l'Université de Lorraine, le sous-sol Lorrain pourrait même représenter l'équivalent de plus de 20 ans de consommation française de gaz.
La Lorraine est la région la "plus riche de France" en gaz de houille, avance le scientifique.
"Les quantités sont importantes, pour ne pas dire colossales" en Lorraine, abonde un géologue rattaché au ministère de l'Ecologie.
Contrairement aux gaz de schistes, l'exploitation du gaz de houille ne nécessite pas de fracturation hydraulique, décriée pour ses conséquences néfastes sur l'environnement et interdite en France depuis juillet 2011.
De fait, le charbon est déjà plus ou moins fracturé naturellement et il ne faut "surtout pas perturber le milieu, au risque d'endommager les veines de charbon où est stocké le grisou", explique l'expert du ministère de l'Ecologie, pour qui cette activité est "acceptable à 100%".
L'Association de défense de l'environnement et de lutte contre la pollution (Adelp) souligne néanmoins les "effets inéluctables sur l'environnement de surface" qu'auraient l'exploration et de l'exploitation du gaz de houille, note son président, Michel Kaspar.
Des dégâts "irréversibles" pour le collectif "Stop gaz de schiste Lorraine".
La direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement (Dreal) reconnaît qu'il y aura un impact pour l'environnement, avec notamment l'installation de station en surface et de pompes.
Mais la Dreal promet de traiter "de manière sérieuse les aspects de sécurité et d'environnement et fait valoir qu'on entre là dans une "nouvelle phase d'exploitation du sous-sol, un projet intéressant pour la région".
Cette reconversion représenterait "une forme de compensation" après la fermeture des mines, observe également Roger Cosquer, directeur départemental du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).
"On apporte beaucoup de solutions, et pas de problème", note Frédéric Briens, directeur général d'EGL, qui observe un "consensus" autour du projet en Lorraine notamment du fait de la longue tradition minière de la région.
Prudent sur la question du gaz de houille, Sébastien Thisse, le maire de Freybouse où EGL a obtenu l'un de ses permis de forer, admet que ses administrés ne sont pas particulièrement inquiets. "Il y a des anciens mineurs, ils sont même contents", dit-il.
Les experts rappellent néanmoins que d'autres se sont essayés, sans succès, à l'exploitation du gaz de houille il y a une vingtaine d'années. D'après eux, l'amélioration des techniques pourrait toutefois jouer en la faveur d'EGL.
Pour Antoine Le Solleuz, l'extraction du gaz de houille est rentable grâce à la hausse des cours du gaz ces dernières années, même si elle coûte quatre fois plus cher que celle du gaz naturel.
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