En meeting à Villepinte, le candidat sortant a tenté de (re)lancer sa campagne.
La magie de 2007 n'est pas au rendez-vous en 2012 : le bilan et l'échec sont passés par là. Après comme avant Villepinte, on ne sait toujours pas pourquoi ce qui a échoué ou qui n'a pas été fait depuis cinq ans réussirait maintenant. Son bilan, c'est son boulet. Son projet, c'est son bilan.
Le rassemblement de la majorité sortante est factice : Fillon et Copé préparent déjà l'après ;Juppé annonce un congrès de l'UMP à l'automne ; Borloo et Yade, annoncés, sont finalement absents. A l'issue du quinquennat Sarkozy, la France est divisée et la droite fragmentée.
En une heure de discours, pas une idée nouvelle pour la vie quotidienne des Français : emploi,école, logement, santé, transports, pouvoir d'achat, services publics ne sont pas évoqués. Alors que F. Hollande a présenté ses 60 engagements et leur financement il y a un mois et demi, on attend toujours une vision d'ensemble de la part du candidat UMP : une compilation de promesses non tenues et d'idées saugrenues ne font pas un projet pour la France etpour l'Europe.
Son échec, c'est la faute aux autres. La faute à la crise que la funeste loi TEPA avait précédée d'un an. La faute à la gauche qui n'est plus aux responsabilités depuis dix ans. La faute aux syndicats qui n'ont pas été écoutés durant le quinquennat. Et désormais la faute à l'Europe qu'il a présidée au 2ème semestre 2008 et dont il revendique l'orientation libérale conservatrice avec Mme Merkel. Quand on est chef de l'Etat, on rend des comptes au lieude régler des comptes.
Plus que jamais, F. Hollande incarne le changement : le redressement productif, financier,éducatif plutôt que l'abaissement aggravé ; la justice sociale, fiscale, territoriale plutôt que le sinégalités augmentées ; le rassemblement des Français autour des valeurs de la République plutôt que la division exacerbée entre les personnes, les catégories et les générations.
1/ « Nommer des gens de son clan : vouloir s’accaparer l’Etat c’est le contraire de ce qu’a voulu le général de Gaulle »
En matière d'impartialité de l'Etat, les leçons du candidat sortant sont franchement malvenues.Son bilan en matière de nominations comporte trois caractéristiques : l’abaissement de l’Etat face aux grands intérêts privés, la vassalisation des fonctionnaires au profit du parti au pouvoir, la pression politique sur la justice.
Un florilège non exhaustif illustre ce bilan accablant :
− Nomination de proches à la tête des administrations, notamment dans la police ;
− Nomination par le chef de l'Etat des dirigeants de l'audiovisuel public ;
− Affaire Jean Sarkozy à l'Epad et fils Tibéri à Bercy ;
− Multiplications des affaires et des pressions dans les procédures judiciaires : scandale Woerth-Bettencourt, affaire Karachi, affaire des « fadettes » des journalistes du Monde.
− Multiplication de nominations en fin de mandat pour recaser les amis, dont beaucoup se font contre l'avis des commissions compétentes.
→ F. Hollande s'engage à bâtir l'Etat impartial, à rendre la justice indépendante, à revoir lesnominations des dirigeants des chaines de télévision et de radio publiques.
2/ « Les vrais blocages ne viennent pas du peuple, mais de certains syndicats, de certains corps intermédiaires »
Il fait siffler les syndicats par le public de Villepinte. Pour un Président qui prétend avoir rénové le dialogue social, finir son mandat sur la dénonciation des organisations syndicales est surprenant. Et puis, difficile de leur faire endosser la responsabilité d'un soi-disant immobilisme du pays quand, du début à la fin du quinquennat, les partenaires sociaux ont été ignorés : ce fut le cas pour les retraites (la plateforme unitaire des syndicats fut méprisée et le plan Sarkozy-Fillon ne fit l'objet d'aucune véritable négociation) et, plus récemment, ce fut le cas pour les annonces de hausse de la TVA ou d'accords dits de compétitivité. En réalité, c'est une ultime et vaine tentative de division.
→ F. Hollande l'a rappelé à Dijon : les corps intermédiaires, c’est la démocratie. Avec les collectivités locales, il y aura un nouvel acte de décentralisation. Avec les associations, il y aaura un statut du bénévole et un « congé engagement ». Les partenaires sociaux seront systématiquement consultés avec toute loi qui les concernera, comme le précisera la Constitution. Les corps intermédiaires, comme les citoyens, sont indispensables au redressement du pays.
3) « J’ai fait de mon mieux pour protéger les Français de la crise »
Faire de « son mieux » pour le candidat-sortant c’est :
> 1 millions de chômeurs en plus en 5 ans. Un chômage supérieur de 1,5 points à celui du Royaume-Uni. La France et l’Allemagne étaient à un niveau quasi équivalent en2007 : aujourd’hui, le chômage est près de deux fois supérieur dans notre pays qu’outre-Rhin. Contrairement à ce que dit le candidat UMP, la crise, tel le nuage deTchernobyl, ne s’est pas arrêtée à nos frontières !
> Depuis 2005, la France a perdu 13% de ses emplois industriels alors que la moyennede la zone euro est de 8,5%. Nous avons aujourd’hui aussi peu d’emplois industriels que le Royaume-Uni, pays dont M. Sarkozy explique…qu’il n’a plus d’industrie.
> En 2011, la France arrive au 16ème rang de l’Union européenne pour la croissance.
> Depuis 2002, la France est le pays d’Europe qui a connu la plus forte dégradation de son déficit commercial (75 Mds€ contre un excédent de 150 Mds€ en Allemagne)
> Dès 2008, avant la crise, au moment où la droite votait 50 Mds€ de dépenses dans la loi TEPA, la dégradation du déficit budgétaire de la France est supérieure à celle de nos principaux partenaires. Le déficit public atteint 7,5% du PIB en 2009 et 7% en 2010 contre 6,3% puis 6% en moyenne dans la zone euro (3% puis 3,3% enAllemagne, 5,9% et 4,1% en Belgique, 5,4% et 4,6% en Italie, 2,6% et 2,5% enFinlande…)
> En 2001, la gauche avait laissé les comptes en ordre : une dette publique à 56,9%,alors que la moyenne de la zone euro était à 68,1%. 10 ans de droite plus tard, la dette française atteint 85,2% du PIB, soit +28,3 points – un niveau supérieur de 8 points à lamoyenne de la zone euro.
Le discours de Villepinte est un discours d’impuissance : la crise qui frappe le plus les Français, c'est la crise du sarkozysme.
→ F. Hollande propose une stratégie de redressement productif, financier, social : elle tient dans 60 propositions présentées aux Français dès fin janvier (engagements et financement).
4) « la France [pourrait] suspendre sa participation aux accords de Schengen »
La proposition surprise du candidat sortant est improvisée, inconséquence et dangereuse :
- Improvisée : M. Sarkozy a menacé de sortir la France de l'espace européen sans frontières Schengen s'il n'obtenait pas une réforme de fond, qui est… déjà en en cours à Bruxelles. 22 pays de l’UE négocient en ce moment la possibilité de rétablir temporairement, dans certains cas extrêmes, leurs contrôles aux frontières d'un autre Etat Schengen.
- Inconséquence : la droite ironise depuis des mois sur la volonté de F. Hollande de renégocier le Traité d’austérité imaginé par les droites franco-allemandes. Et voilà que le candidat sortant explique être capable de bouleverser à lui tout seul une Convention qui existe dans sa forme actuelle depuis 1997 et regroupe 27 Etats. Pour la droite, la France peut mettre tout son poids dans la balance pour cibler les étrangers aux frontières de l’Europe, mais pas pour relancer la croissance à l’intérieur des Etats membres !Inconséquence encore quand on imagine les effets concrets d’une telle décision : où le Président sortant trouvera-t-il les policiers nécessaires pour rétablir les contrôles à nosportes ? Où trouvera t-il l’argent pour reconstruire tous les postes-frontières sur les bords du Rhin, des Alpes, des Pyrénées abandonnés depuis 15 ans ? Des policiers, on en a besoin dans les quartiers et dans les campagnes plus qu'aux frontières avec l'Italie ou l'Allemagne...
- Dangereuse : la France est la grande bénéficiaire des accords de Schengen, toutes ses frontières étant avec des pays européens. Le candidat de la droite laisse croire qu'une gestion nationale des flux migratoires serait plus efficace qu’un Traitement européen : qu’en pense les 26 autres Etats parties prenantes à la Convention qui, parfois, comme l’Espagne oul’Italie accueillent plus d’immigrés que la France ? La proposition de M. Sarkozy est une double erreur : c’est un instrument de division à destination des électeurs de droite en France et un message d’isolement vis-à-vis de nos partenaires.
→ F. Hollande propose une politique migratoire juste et efficace : définition de critères derégularisation clairs et transparents, lutte implacable contre l’immigration clandestine et les réseaux mafieux qui l’alimentent, débat national annuel sur l’immigration au Parlement,abrogation des circulaires Guéant sur les étudiants étrangers.
5/ « l’Europe ne peut être un ventre mou, un espace ouvert à tous les vents »
Depuis 2 semaines, le candidat-sortant va de découverte en découverte. Il y a 15 jours, il se rend compte que les rémunérations des dirigeants du CAC 40 explosent depuis plusieurs années. La semaine dernière, il apprend que certaines entreprises ne payent pas ou presque pas d’impôts. Aujourd’hui, il exprime sa surprise devant la guerre commerciale que se livren tles grandes puissances au détriment de l’Europe et l’incapacité de l’Europe de créer les conditions d’une industrie qui pèse dans la mondialisation. Président de la République française depuis 5 ans, Président de l’Union européenne en 2008, Président du G20 en 2011, il serait temps que Nicolas en parle à Sarkozy ! Il aurait dû lui en parler lorsqu’il a refusé de réformer le droit de la concurrence pour faciliter la constitution de grands groupe seuropéens ; quand il a abandonné l’idée d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe ; quand il a ironisé sur la volonté de F. Hollande de rééquilibrer la politique monétaire de l’Europe face au dollar et au yuan ; quand il expliquait le 27 octobre 2011 à la télévision que les protections commerciales étaient une « très mauvaise chose ».
→ Contre l'Europe-bunker du protectionnisme autarcique et de la guerre économique, contr eune Europe-passoire qui nous transforme en sous-traitant industriel pour le reste du monde, F. Hollande propose que l’UE se dote des moyens d’exiger une réciprocité commercialeauprès de nos partenaires : inscription des normes sociales, sanitaires et environnementales dans les échanges mondiaux ; mise en place d’écluses tarifaires aux frontières de l’Europepour faire respecter ces normes ; mise en place d'un système monétaire équilibré, dans lequel l'euro serve vraiment les intérêts de l'Europe, des ses industries et ses PME ; réorientation des missions de la BCE pour mettre fin à la politique de l’euro cher.
6)« Je défendrai l’industrie nucléaire française et Fessenheim »
Le jour de l'anniversaire de la tragédie de Fukushima, pour le candidat sortant, l’excellence environnementale de la France se réduit à poursuivre indéfiniment l'activité d'une centrale nucléaire située sur une faille sismique et à quelques kilomètres du canal d’Alsace. L’Autorité de sûreté nucléaire a demandé des travaux conséquents sur la centrale et notamment l’épaississement du radier sous la cuve radioactive pour protéger in fine la nappe phréatique.74 communes alsaciennes – dont plusieurs dirigées par des maires de droite – représentant plus de 600 000 habitants ont voté une motion pour la fermeture de la centrale. La fermeture de cette centrale est une exigence de responsabilité. M. Sarkozy en fait un outil de polémique électorale.
→ Dans le cadre de sa stratégie de rééquilibrage du mix-énergétique et de lancement d’un plan de développement des énergies renouvelables et des économies d’énergie, la fermeture de l'une des plus anciennes centrales nucléaires située sur une faille sismique pour en faireun site d'excellence dédié à l'ingénierie de la déconstruction des centrales en conservant tous les emplois est un engagement de F. Hollande.
7) « Le mot magique, c’est le travail. […] En partageant le travail, on le détruit. »
M. Sarkozy est un spécialiste de la destruction d’emplois : il y a 1000 chômeurs de plus par jour depuis 3 ans. De leur côté, les 35 heures avaient permis de créer 145 000 emplois en 2000 puis 80 000 emplois environ en 2001. Le candidat de la droite reprend son refrain de 2007 sur la valeur travail mais où est le respect de la valeur travail quand 1 jeune demoins de 25 ans sur 4 est au chômage ? Où est la valeur travail quand le pouvoir d’achat des salariés stagne depuis cinq ans ? Où est le respect de la valeur travail quand on demande à ceux qui ont commencé tôt leur vie professionnelle, qui ont 41 années de cotisations,d’attendre 62 ans pour partir à la retraite ? M. Sarkozy, le travail n’est pas une idée que l’on sort tous les 5 ans et que l’on manipule. Le travail, c’est ce qui, à cause de la politique mené depuis 10 ans, manque dans la vie de plusieurs de millions de Français et empêche notre pays d’avancer. Le travail, c’est l’échec le plus dramatique de la majorité sortant. Le travail, c’est ce qui explique pourquoi le changement est urgent.
→ Pendant que M. Sarkozy palabre sur une « valeur », F. Hollande fait des propositions précises pour le travail et sur l’emploi. C’est en luttant contre le chômage et d’abord par le redressement productif, que nous respectons le travail. C’est en permettant aux jeunes d’en finaccéder au marché de l’emploi et aux séniors de pouvoir y rester jusqu’à leur retraite grâce aux emplois d’avenir et aux contrats de générations que nous respectons le travail. C’est en exigeant le remboursement intégral des aides publiques perçues par une entreprise bénéficiaire qui licencient que nous respectons le travail. C’est en augmentant les cotisations chômage des entreprises qui abusent des contrats précaires que nous respectons le travail.
C’est en supprimant les exonérations de cotisations sociales aux entreprises qui nerespecteraient pas l’égalité salariale entre les hommes et les femmes que nous respectons letravail.
8/ « la gauche a abandonné les quartiers »
Depuis 2007, Sarkozy a complètement désengagé l’Etat de l’ANRU (sur les 42 Mds€ derénovation urbaine, moins de 3% sortent des poches de l’Etat). Les crédits de la politique de la ville ont été divisés par deux depuis 2008. Pour les quartiers, Sarkozy reste et restera le Ministre du « kärcher ». Il est reste et restera le Président qui, malgré les promesses, n’a pas mis un pied en banlieue depuis 5 ans. Il est et restera le Président des émeutes à Villiers-le-Bel en novembre 2007 et à Grenoble en 2010. La droite est au pouvoir depuis 10 ans : dans les quartiers, tous les signaux sont passés au rouge. Les habitants des quartiers renoncent aux soins pour des raisons financières, le chômage progresse, les villes enclavées, reléguées, en Ile-de-France ont été les oubliées du « Grand Paris », la discrimination se renforce chaque jour au gré des caricatures venant du plus haut niveau de l'Etat.
→ C'est la gauche qui a inventé la politique de la ville et qui a, la première, pris la décision de donner des moyens supplémentaires dans les quartiers qui en avaient le plus besoin. C'estla gauche qui a inventé la contractualisation entre l'Etat et les collectivités locales pour développer la ville. C’est cet héritage que F. Hollande veut renforcer : emplois d’avenir et postes dans l’Education nationale ciblés sur les quartiers les plus en difficultés, mise à disposition des terrains de l’Etat pour construire des logements et construction de 2,5 millions de logements intermédiaires, sociaux et étudiants sur le quinquennat financé en particulier par le doublement du plafond du livret A, création de zones de sécurité prioritaires pour renforcer les moyens de la police, de la justice, de l’école dans les zones qui en ont le plus besoin, lutte contre les discriminations face au logement, à l’emploi et dans la vie quotidienne – y compris lors des contrôles d'identité.
9) « Donner à la victime le droit de faire appel »
Il a fallu des siècles pour que la justice rendue au nom de peuple français passe de la vengeance privée à la sanction publique. La proposition du candidat de la droite est une régression : le procès pénal est fait pour que la société sanctionne au nom de l’intérêt général sa défense, non pour que la victime choisisse elle-même la sanction dans sa douleur et son sentiment inévitable d’injustice. Les droits de la victime peuvent et doivent trouver leur place : mais la justice ne peut être la vengeance. De R. Badinter à la loi présomption d’innocence et droits des victimes de juin 2000, des maisons de justice et du droit aidées parles collectivités locales à la coopération avec les barreaux, l’aide aux victimes est une des priorités de la gauche. Les droits de la victime passent par des associations de victimes etd’aide aux victimes : c’est l’UMP qui depuis 5 ans a réduit leur subventions de 30% !
C’est la droite qui avec la loi du 5 mars 2007 a retardé le traitement des plaintes, a supprimé la constitution de parties civiles directement devant les juges d’instruction et a instauré un filtre dans les mains du parquet.
→ F. Hollande défend une justice renforcée avec la création de postes de magistrats et de greffiers ; une justice indépendance avec la fin des interventions du pouvoir politique des les affaires individuelles et le respect des avis du Conseil supérieur de la magistrature ; une justice ferme en faisant de l’application effective des peines une priorité ; une justice efficace en veillant à ce que les peines soient prononcées avec comme objectif d’empêcher la récidive.
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