Débat d'orientation budgétaire 2012. Intervention de Guy Janvier, au nom du groupe PS-EELV.
Séance du 10 février 2012.
"Le dernier débat budgétaire de notre assemblée avait eu lieu quelques semaines avant les élections cantonales. On aurait pu penser que le premier débat de la nouvelle mandature serait marqué par une volonté réelle de lutter contre les inégalités qui frappent notre département - c’est sa vocation - et par l’affichage clair de priorités. Il n’en est rien.
Nous sommes de nouveau face à un projet de budget qui manque totalement d’ambition et un rapport dans lequel, une nouvelle fois, les déclarations sont contredites par les chiffres.
1) Un projet de budget 2012 sans ambition.
L’exécutif de notre département cautionne la nouvelle diminution des contributions de l’Etat aux collectivités locales, alors que les transferts de compétences, notamment dans le domaine de la solidarité, ne sont pas compensés, et que les besoins ne cessent de croître. C’est le résultat de la reconduction de la stabilisation en valeur des concours financiers de l’Etat. La bonne santé financière de notre département repose en partie sur les rentrées plus importantes que prévues des droits de mutation à titre onéreux, qui ne sont que le reflet de la spéculation immobilière, dont les effets sont désastreux en termes de logements des familles aux revenus modestes. Vous avez décidé de maintenir les taux de la taxe sur le foncier bâti, dernière taxe sur laquelle notre assemblée dispose d’un pouvoir de fixation. Là aussi, c’est la preuve du peu de marges de manoeuvre dont disposent aujourd’hui les collectivités locales. Raison de plus d’espérer et de travailler à un changement de majorité lors des prochaines élections nationales. La réforme territoriale en constituera un des enjeux.
2) La solidarité n’est pas au rendez-vous.
Il est inexact d’écrire que la solidarité bénéficiera de moyens accrus. Augmenter de 10 M€ ce budget par rapport au compte administratif 2011 est totalement insuffisant. J’ai pu le constater lors de la journée de l’insertion organisée à Antony le 24 janvier dernier. 36 000 foyers sont allocataires du RSA (Revenu de solidarité active). Près de 70 000 personnes vivent avec moins de 500€ par mois et par personne dans ce département qui a la réputation d’être l’un des plus riches de France ! Pour être aidées, ces personnes devraient pouvoir compter sur des professionnels nombreux, formés, capables de mettre à la disposition de tous des actions de soutien, de formation, d’insertion. Or, les moyens des circonscriptions de vie sociale sont en diminution. Pourtant les personnes les plus éloignées de l’emploi ont besoin d’un accompagnement soutenu dans les domaines de la santé, du logement, de la garde d’enfants. La loi prévoit que chaque allocataire du RSA ait un référent unique. Qu’en est-il en réalité ? 11 000 places auraient été offertes dans le cadre du PDI-RE (Programme d’insertion et de retour à l’emploi). C’est notoirement insuffisant.
Le département prétend mener une politique sociale dynamique. Les chiffres dont nous disposons - et les échos qui nous remontent des équipes – prouvent l’inverse. Le bilan social du département montre de façon limpide que les effectifs consacrés aux politiques sociales sont constamment en baisse : (en ETP)
- 2 953 en 2008
- 2 901 en 2009
- 2 823 en 2010.
En termes de personnel permanent, les effectifs du pôle solidarités sont passés : (en % des dépenses globales de personnel)
- 51,4 % en 2008
- 49,2 % en 2009
- 48,9 % en 2010
3) Des enfants abandonnés.
Le rapport fait état d’une nouvelle diminution des crédits consacrés à l’aide sociale à l’enfance puisqu’ils passent de 69 à 64 M€. Faut-il rappeler qu’ils s’élevaient à 98 M€ en 2008 et à 92 en 2010 ? Une meilleure gestion n’explique pas tout. La vérité, c’est que les besoins sont de moins en moins satisfaits et il est inacceptable de lire qu’ « aucune mission, qu’aucune prise en charge, qu’aucune situation sociale ne soit laissée de côté ». Faut-il rappeler les chiffres que nous donnions en décembre dernier lors de l’examen du schéma départemental de prévention et de protection de l’enfance et de la jeunesse 2012-2016 ? Le nombre d’enfants en danger faisant l’objet d’une information préoccupante de la part des services sociaux du département est passé de 3 015 en 2009 à 3 994 en 2010, soit une hausse de 25 %. Parallèlement, les actions éducatives diminuent, les mesures d’accompagnement en économie sociale et familiale n’ont concerné qu’une dizaine de familles en 2010, des foyers de l’enfance ferment…
On le voit, contrairement à ce que prétend le Président du Conseil Général et sa majorité, la solidarité n’est pas la priorité du département des Hauts-de-Seine. D’autres exemples de cette triste réalité peuvent être fournis à l’appui de notre démonstration.
4) Le logement social délaissé.
Sur les 10 550 logements sociaux financés sur la période 2007-2010 dans le département, il n’y a eu que 1 730 logements sociaux d’insertion, dits PLAI. Les logements très sociaux représentent donc moins de 17 % du nombre total de logements sociaux financés ! Et on entend régulièrement les responsables de ce département dire ou écrire, sans complexe, que notre collectivité aide les habitants les plus en difficulté à se loger !
Faut-il rappeler que les chiffres publiés par les services de l’Etat montrent que fin 2010 plusieurs villes importantes des Hauts-de-Seine sont loin d’avoir atteint le seuil pourtant obligatoire depuis 12 ans des 20 % de logements sociaux :
- Boulogne Billancourt : 13 %
- La Garenne-Colombes : 10 %
- Neuilly : 4 %
Le fait que l’ensemble du département compte 26 % de logements sociaux ne change rien à cette réalité. De plus en plus de nos concitoyens n’arrivent pas à se loger dans notre département et plus de 75 000 demandes ne sont pas satisfaites à ce jour.
De plus, le département vient de suspendre le prêt à taux zéro et nous n’avons à ce jour aucune information quant à la poursuite de ce dispositif.
5) L’éducation n’est plus une priorité.
Alors que les besoins de nos collèges sont considérables, les budgets sont en baisse, tant en fonctionnement qu’en investissement. Cette situation est particulièrement préoccupante puisqu’elle s’inscrit dans le même mouvement de régression des moyens de l’Education nationale.
Mon collègue, Jean-André Lasserre, présentera un voeu sur cette question. 79 professeurs des écoles et assistants en langues dans le primaire et 90 dans le second degré seront supprimés à la rentrée scolaire 2012-2013. A ces suppressions, s’ajouteront 81 postes des Réseaux d’Aide et de Soutien aux Elèves en Difficultés (RASED) en plus des 80 postes déjà supprimés ces dernières années. C’est donc aujourd’hui la fin annoncée du dispositif RASED sur le département que nous constatons.
Toutes les villes de notre département sont touchées par ces restrictions. Courbevoie, Asnières, Chatillon, Vanves, Fontenay-aux-Roses, Clichy…pour ne citer que celles que nous représentons dans cette assemblée.
Dans ces conditions, on ne peut qu’être scandalisé par cette provocation qui consiste à écrire que « Notre département a développé, depuis plusieurs années, des actions éducatives nombreuses et de qualité qui permettent de limiter le taux d’échec scolaire. » Cette affirmation est-elle fondée sur des chiffres et des évaluations précises ?
Le P@ss92, d’une valeur de 70 euros, n’a pas évolué depuis sa création. Il est loin de couvrir les frais réels des familles qui inscrivent leurs enfants dans les activités pourtant bénéfiques d’animation extrascolaires. En outre, ce dispositif à l’instar de tous les dispositifs départementaux ignore, malgré nos demandes, la logique du quotient familial au détriment d’une véritable politique d’égalité des chances.
Les internats scolaires ne concernent que quelques dizaines d’élèves, loin des besoins considérables de beaucoup de jeunes de nos quartiers.
Surtout, les budgets de fonctionnement alloués à nos collèges diminuent, les privant des marges qui leur permettaient d’accueillir nos enfants dans de bonnes conditions. Plusieurs conseils d’administration ont refusé de voter les budgets qui leur étaient présentés. Le programme pluriannuel d’investissement des collèges qui devrait permettre de réhabiliter et de construire de nouveaux établissements n’est toujours pas connu au grand dam des communautés éducatives et des représentants de parents.
En conclusion, nous proposons de contractualiser les relations entre le département et les 36 communes des Hauts-de-Seine. Celle-ci permettra d’afficher les priorités de la politique poursuivie par notre assemblée et contribuera à une véritable réduction des inégalités dans un département qui reste le champion de celles-ci. Il existe de grandes disparités entre les 36 communes des Hauts-de-Seine. Notre département est un de ceux où les inégalités sont les plus fortes. Il est de notre responsabilité de les réduire. Ce devrait être une des priorités de ce projet de budget. Il n’en est rien. Nous reprenons la proposition de contractualisation avec les communes que nous avions soumise en décembre dernier. Cette proposition va dans le sens de ce que vous souhaitiez : éviter le saupoudrage des subventions, affirmer une volonté d’intervention conjointe département- commune, ou département- communauté d’agglomération, vision partagée et pluriannuelle des investissements, le tout dans un souci commun de l’intérêt général des habitants de ce département. Certains élus de la majorité n’y semblaient pas opposés. Pourquoi ne pas l’inscrire dans ce projet de DOB 2012.
« La mise en oeuvre d’une politique pluriannuelle de contractualisation avec les communes doit avoir pour objectif de lutter contre ces disparités et ainsi de rééquilibrer le territoire départemental.
Le taux des subventions départementales, en investissement et en fonctionnement, dans le cadre des contrats de développement Département-Ville est fonction de critères fiscaux et sociaux, à la fois précis et objectifs tels que définis ci-après :
- potentiel fiscal de la commune
- pourcentage de logements sociaux et très sociaux existants (PLUS et PLA-I)
- quartiers en Contrats urbains de cohésion sociale (CCUS)
- nombre d’allocataires des minima sociaux (RSA, AAH, API)
- nombre de familles monoparentales
- revenu médian des familles
Ces critères, qui pourront être complétés, permettront d’agir de façon différenciée à partir des caractéristiques de chaque territoire pour promouvoir une réelle mixité sociale et territoriale dans notre département. »