Pour François Hollande, candidat de la justice,la classe moyenne et les PME n’ont pas à payer plus d’impôts que les millionnaires du CAC 40
« Que beaucoup d’innovateurs, de créateurs, de chercheurs, de ceux qui vont nous donner une vie meilleure,puissent être rémunérés, c’est légitime, c’est logique, c’est nécessaire (…) Ce n’est pas cette richesse-là que je veux mettreen cause, c’est une richesse indécente, une richesse scandaleuse que je dénonce, qui ne récompense pas le talent ou le travailou le mérite, mais simplement la situation. Il y a un moment, il faut mettre des correctifs, il faut mettre des limites ». F. Hollande, RTL, 29 février 2012.
Sur TF1 le 27 février, F. Hollande a dit son indignation face aux rémunérations extravagantes,et d’abord celles des très hauts dirigeants du CAC 40. Sa proposition : pour les revenussupérieurs à 1 million d’euros par an, un taux d’imposition de 75%.
Aussitôt, la droite est montée sur ses grands-chevaux : « confiscation » (Juppé), « spoliation »(Baroin), « marxisation » (Jacob). La proposition de F. Hollande ne fait pas seulementprévaloir la justice : elle révèle l’artifice de la récente conversion du sarkozysme en« candidature du peuple ».
- Que propose François Hollande ?
Une réforme globale de la fiscalité pour la rendre plus équitable et plus simple : réforme pour la fusion à terme de l’impôt sur le revenu et de la CSG, imposition des revenus du capital comme ceux du travail, retour sur les cadeaux fiscaux et les multiples « niches fiscales »accordés depuis 2002 aux ménages les plus aisés et aux plus grosses entreprises, taux d’imposition différents sur les sociétés (35% pour les grandes, 30% pour les PME, 15% pourles TPE). Une contribution des plus fortunés à l’effort national de redressement : tranche supplémentaire de 45 % pour les revenus compris entre 150 000 euros et 1 million d’euros parpart, annulation des allégements de l’ISF votés par la droite en 2011.
Ces propositions – évoquées dès le discours du Bourget (22/1) – figurent dans le projet présidentiel présenté le 26/1.
Reste le cas des rémunérations indécentes d’une minorité dont font partie, entre autres, les très hauts dirigeants du CAC 40. Le 14/2, dans son rapport annuel, la société de conseil Proxinvest révélait qu’ils ont bénéficié, pour 2010, d’une hausse moyenne de 34% de leur rémunération pour un montant moyen de 4,11 millions d’euros. Le lendemain, à Rouen, F. Hollande déclarait : « Où est le respect du travail quand les patrons du CAC 40 s’augmentent de 34%(…) et quand les mêmes considèrent que relever le Smic serait prendre un risque pour l’économie elle-même ? Le travail doit être réhabilité, et nous y mettrons bon ordre ». Cette indignation remonte à loin : déjà, le 2 septembre 2009, il était signataire de la proposition de loi du groupe PS à l’Assemblée nationale visant à « rendre plus justes et plus transparentes les politiques de rémunérations des dirigeants d’entreprises et des opérateurs de
marché » .
Remettre de la justice, c’est l’objectif des propositions qui figurent dans le projet :suppression des stock-options (sauf pour les entreprises naissantes), encadrement des bonus,présence des représentants des salariés dans les conseils d’administration et dans les comitésde rémunérations des grandes entreprises. C’est aussi l’objectif de la mesure complémentaire présentée le 27/2 : une tranche supplémentaire, à 75%, pour les revenus situés au-dessus de 1million d’euros par an.
- Qui sera concerné ?
- Les très hautes rémunérations – comme celles des très hauts dirigeants du CAC 40 – dont le salaire annuel est supérieur à 1 million d’euros par an, soit plus de 100 fois le Smic annuel.
- Entre 3 000 et 3 500 personnes seront touchées par la mesure.
- Les foyers concernés se verront prélever 75 % des revenus soumis à l’impôt sur le revenu au-delà du seuil d’un million d’euros (et non les trois quarts de leurs revenus, comme l’affirme faussement l’UMP). Exemple : un célibataire dont le revenu fiscal atteindrait 1,3 M€ serait taxé à hauteur de 75% sur
300 000€.
- La mesure rapportera entre 200 à 300 M€ : c’est une question de moralisation, non derendement.
- La crise est exceptionnelle, mais la mesure est durable.
→ Cette proposition est l’équivalent, dans les entreprises privées, de la limitation de l’écart de rémunération de 1 à 20 pour les dirigeants d’entreprises publiques proposée par F. Hollande.
- Toujours au service des privilégiés, l’UMP et le candidat sortant prétendent que« les riches vont s’en aller »…
Ceux qui fuiraient pour échapper à ce taux l'ont déjà fait.
Le nombre des départs relevant de « raisons fiscales » au sens large ne dépasse pas un millier par an selon les estimations du Syndicat national unifié des impôts (Snuip) : entre 300 et 700 départs nets par an, soit moins de 0,2% des redevables en moyenne sur 10 ans. L’UMP estmoins soucieuse du manque à gagner pour le budget de l’Etat lié à l'évasion fiscale dans lesparadis fiscaux : 40 à 50 Mds€ par an (selon le Snuip comme pour la Commissioneuropéenne). C’est pourquoi dans son projet, F. Hollande prévoit le renforcement des moyens de lutter contre la fraude fiscale.
Le bouclier fiscal devait faire revenir en France les grandes fortunes, on les attend toujours.
Depuis 2007, le démantèlement de la fiscalité du patrimoine n’a pas rendu la France plus attractive pour les « exilés fiscaux ». D’après un classement des plus grosses fortunes de la Suisse, il est établi que parmi les 300 plus grosses fortunes suisses, 44 sont françaises : il y a dix ans, il n’y en avait que 17. Le seul effet des cadeaux fiscaux UMP aura été d’accroître les inégalités de patrimoine en France. En réalité et contrairement à une idée reçue, les détenteurs du capital ne sont pas très mobiles et retenir les propriétaires du capital est moins favorable àla croissance que d’inciter les entreprises à se localiser en France et d’y encourager l’emploiet l’innovation.
→ Nous pensons, nous, que les plus riches ne sont pas rendus moins citoyens par leurs millions. Dans une crise financière, économique et sociale historique, alors que des efforts sont demandés à tous, chacun doit contribuer à l’effort de redressement selon ses moyens.
→ C’est ce que 16 des plus riches contribuables français réclamaient durant l’été 2011 dans un appel publié par le Nouvel Observateur : « taxez-nous », réclamaient-ils,« [car] nous souhaitons contribuer à préserver (…) un modèle français et un environnement européen auxquels nous sommes attachés ». Il faut répondre à leur appel au patriotisme.
→ Comme l’a dit justement Laurent Voulzy : « Au-delà d’un million d’euros, c’est beaucoup (…) Je ne suis pas un émigré fiscal, je paye mes impôts, j’ai payé beaucoup d’impôts à la France, je continue à en payer, je trouve ça normal. Je vis en Angleterre,mais je suis un fiscalisé en France » (RTL, 28/2).
- La Grande-Bretagne et les Etats-Unis ne sont pas suspectes de dérive « marxiste »,et pourtant elles mettent plus fortement à contribution les hauts revenus
En Grande-Bretagne – le pays de la City ! – les plus fortunés ont été largement mis àcontribution depuis la crise. La tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu a été portée de 40% à 50% en avril 2010 pour ceux qui gagnent plus de 150 000 £ (un peu plus de 168 000 euros) par an. C'est le Premier ministre travailliste G. Brown qui l'a introduite, mais D.Cameron, son successeur conservateur, l'a maintenue. De même, la suppression de la franchise d'impôt sur le revenu, pour ceux qui perçoivent plus de 100 000 £ par an, n’a pas été remise en cause.
Aux Etats-Unis, la tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu a été portée à 45% dès 2009. En septembre 2011, le Président Obama s’est engagé à augmenter très fortement les impôts des millionnaires selon la « règle Buffet » – du nom du multimillionnaire Warren E.Buffet qui s’indignait de payer moins d’impôts proportionnellement que sa secrétaire. La proposition Obama d’un taux d’imposition minimal de 30% pour les revenus annuels supérieurs à un million de dollars a été rejetée par les Républicains au Congrès. Entre 1932 et 1980, en même temps qu’ils combattaient « le bolchévisme », les Etats-Unis avait un taux supérieur de l’impôt sur le revenu autour de 80% : cela n’a pas nui au dynamisme de leur économie – au contraire !
L’UMP devrait donc avoir le sens de la mesure et des réalités ! En France :
- le salaire moyen est de 1 605 euros net par mois, soit 63 euros par jour.
- Le taux d’imposition pour les 0,02% des contribuables dont les revenus sont supérieurs à 1,2 million d’euros est de 20% alors que le taux marginal supérieur est actuellement de 41%.
Le débat sur les rémunérations des très hauts dirigeants du CAC 40 fait tomber les masques : le président sortant se révèle faux « candidat du peuple » et vrai président des riches, tandis que F. Hollande s’impose comme le candidat de la justice, de l’économie réelle, du mérite, de l’effort. F. Hollande défend les valeurs des gens plutôt que la valeur de l’argent.
Avec lui, nous revendiquons notre volonté de changement : nous préférons imposer plus fortement les multi-millionnaires avec F. Hollande que taxer les ménages modestes et les classes moyennes avec la hausse de la TVA à 21,2 % façon Sarkozy.
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