L’interview accordée par le Président sortant au Figaro Magazine donne à l'immigration une place centrale, contrairement à l'emploi, à l'école, au logement ou à la santé. Après les déclarations du ministre de l'Intérieur Guéant, voilà que M. Sarkozy entre en campagne en flattant l'extrême droite. Ce quasi-candidat est bien l’auteur du discours de Grenoble, la peur de perdre le pouvoir en plus.
1) La méthode
- Le président sortant ne craint pas de se contredire lui-même : après avoir appelé à la réflexion avant toute législation et à la modération, il propose de modifier une nouvelle fois les règles applicables, alors que depuis 2002, cinq lois ont été votées en la matière et la dernière modification, à l’été 2011, n’a pas huit mois.
- Surtout, N. Sarkozy veut masquer ses échecs en caricaturant les positions de la gauche,en manipulant les chiffres et en continuant à stigmatiser et à diviser le pays. F. Hollande propose au contraire de traiter de ces politiques avec sérieux, cohérence et dans la sérénité.
2) L’organisation juridictionnelle compétente pour les étrangers et les reconduites à la frontière
- Ce n'est pas exactement le sujet qui préoccupe les Français le matin quand ils se lèvent...M. Sarkozy sort du magasin des accessoires une proposition de B. Hortefeux consistant à réviser la Constitution par référendum pour confier l'ensemble du contentieux touchant les étrangers à la juridiction administrative (Tribunaux administratifs, Coursadministratives d'appel et Conseil d’Etat). En 2008, l'ancien député gaulliste et président du Conseil constitutionnel P. Mazeaud avait présidé une commission qui avait rejeté cette proposition, difficile à réaliser et peu efficace.
Sur ce point, N. Sarkozy – qui a déjà repoussé l’intervention du juge judiciaire à 5 jours après le début de la rétention administrative – manifeste un mépris pour la séparation des pouvoirs et pour tous les juges : les juges judiciaires, coupables de sanctionner les violations du droit et les juges administratifs, soupçonnés d’être plus expéditifs pour expulser les étrangers, ce qui est inexact.
En revanche, en proposant un référendum, le président sortant offre une formidable tribune à l’extrême droite.
- « En 2011, nous avons expulsé 33 000 étrangers en situation irrégulière, sous le gouvernement de M. Jospin, de 1997 à 2002, 9 000 étaient expulsés chaque année »
Que M. Sarkozy assimile reconduites à la frontière et expulsions qui touchent ceux qui menacent l’ordre public est une première erreur. D'autres suivent. Ainsi, il oublie de préciser qu'en 2011, presque un tiers de ces éloignements concernent des Bulgares et des Roumains, qui bénéficient de l’aide au retour (300 euros) et qui peuvent librement revenir, ainsi que de nombreux Tunisiens qui ont été reconduits durant l’été 2011. Il s’agit donc avant tout de communication. Les difficultés à exécuter les décisions de reconduite à la frontière sont réelles et toujours aussi importantes.
3) L’immigration régulière
Selon M. Sarkozy, « le niveau de l’immigration régulière a baissé de 3,5% de 2010 à 2011,pour s’établir à 182 000. En 2002, c’était 207 000. »
Le chiffre de 2011 est plus que sujet à caution : personne ne comprend comment le ministère de l’Intérieur l'obtient. Les seules données crédibles datent de 2010, objet du rapport au Parlement remis en décembre.
La comparaison avec 2002 sert directement le propos, mais si l’année 2007 avait été prise pour référence, l’immigration aurait marqué une hausse sensible (de 171 000 à 188 000 en 2010). La réalité est qu’au-delà des fluctuations conjoncturelles, l’immigration régulière est stable en France et s’établit un peu en dessous de 200 000 entrées régulières depuis 10 ans, dont les deux tiers sont des entrées pérennes.
En réalité, il existe une immigration incompressible, stable, celle d’un pays qui est et entend demeurer ouvert sur le monde, avec une maîtrise normale de ses flux. Ceux-ci nereprésentent que 0,3 % de la population métropolitaine. Ils sont donc relativement modestes au regard de la moyenne de l’OCDE (0,67 %) et équivalents à ceux de l’Allemagne.
4) Le regroupement familial
« Nous avons réformé le regroupement familial, désormais accordé sous conditions de logement et de ressources. Il est passé de 25 000 par an à 15 000. Cela montre que le volontarisme est possible, y compris en matière de politique migratoire ».
Le regroupement familial est accordé sous conditions de logement et de ressources depuis la loi du 24 août 1993 et pas depuis le début du quinquennat ! Les conditions de ressources ont été modifiées à la marge en 2003 et 2006, mais les effets de cette mesure ont été numériquement très réduits.
Si le regroupement familial diminue, c’est parce que cette procédure est utilisée par les travailleurs immigrés de nationalité étrangère pour faire venir leur famille en France et que l’immigration de travail des travailleurs étrangers isolés s’est réduite depuis la fin desannées 1970.
Le regroupement familial diminue aussi du fait des difficultés rencontrées par les étrangers pour satisfaire, en région parisienne, les conditions de logement suffisantes (et aussi la durée minimale de séjour qui a été allongée à 18 mois). Pour eux, le durcissement du regroupement familial est synonyme d’une intégration plus difficile. La principale cause de l’immigration familiale, ce sont les familles et conjoints de Français (autour de 50 000 titres par an).
5) Les conjoints de Français
Avec sa proposition, N. Sarkozy rend la vie plus difficile à tout le monde, étrangers et Français. Pour la droite, depuis quelques années, les mariages mixtes, comme la double nationalité sont suspects et doivent être découragés. Quel est le niveau de revenu ou de logement qui sera requis ? Faudra-t-il exiger des Français qu’ils aient une Rolex pour admettre leurs conjoints et les membres de leur famille ?
Les liens familiaux entre Français et étrangers sont pourtant un des facteurs les plus puissants d’intégration dans la société française : N. Sarkozy a définitivement abandonné l’idée d’améliorer les choses pour proposer une France fermée, qui se voit comme une citadelle assiégée. Bien sûr aussi qu’il faut lutter contre les « mariages blancs », mais pou rcela l’arsenal législatif est déjà très complet.
Sa proposition mettrait la France en contradiction avec le droit européen et international :le droit à une vie familiale est protégé par les conventions et le refus d’un titre de séjour opposé à un conjoint de Français pour des motifs tirés du logement ou des revenus pourrait conduire à une condamnation de la France, notamment par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Plus directement encore sa position est directement contraire à la directive communautaire 2004-38 dite « libre circulation des personnes »qui prévoit (art. 9 et 10) un droit des membres de la famille à séjourner en France. M.Sarkozy veut-il renégocier l’ensemble des engagements internationaux et européens de la France en matière d'immigration ? Pour nous, l'urgence est de renégocier le traitéd'austérité Merkel-Sarkozy pour y ajouter le soutien à la croissance et à l'emploi.
6) Le droit d’asile
N. Sarkozy veut réduire les prestations auxquelles les demandeurs d’asile ont droit. Elles seront « limitées » quand le demandeur ne coopérera pas avec l’administration, qu'il déposera sa demande plus de trois mois après son entrée sur le territoire ou lorsqu'il refusera une offre d’hébergement.
Le président sortant assimile les demandeurs d’asile à des fraudeurs qu’il faut traquer. Un tel positionnement est en décalage avec les orientations européennes et la tradition historique de la France. Le vrai sujet est plutôt la réforme de la procédure qui vient d’être condamnée par la cour européenne des droits de l’homme.
7) L’immigration de travail et les étudiants étrangers
« Nous avons eu 26 % d’immigrés professionnels en moins en 2011 »
Ce chiffre est un de ceux avancés par C. Guéant en conférence de presse en janvier dernier à propos de 2011. Personne ne comprend quel est le mode de comptabilité retenu.L’affichage de ce chiffre marque un renoncement de la politique d’immigration « choisie »aujourd’hui clairement assumée au plus haut niveau. L’immigration « choisie », qui devait être la nouvelle doctrine de la France, a été un échec et n’aura finalement pas survécu à unquinquennat présidentiel.
« La France a accueilli en 2011 60 000 étudiants étrangers. Autant qu’en 2010. Ils n’étaient que 50 000 en 2007 et 2008. Dire que nous avons refusé des étudiants étrangers est une contre vérité. J’ajoute que le nombre d’étudiants diplômés travaillant en France à la fin de leurs études a augmenté de 17 % entre 2010 et 2011»
Il est exact que le nombre d’étudiants étrangers a augmenté en France, mais cette donnée n’a toutefois rien d’étonnant dans un monde où le nombre d’étudiants a doublé en quinze ans (de 100 à 200 millions). Ce que ne dit pas N. Sarkozy, c’est que la France a perdu sa 3ème place comme pays d’accueil au cours des dernières années.
Si la hausse de 17% invoquée est invérifiable, le fait de mettre ce chiffre en avant semble indiquer que le Président sortant reconnaît implicitement que la circulaire du 31 mai 2011 par laquelle il a voulu drastiquement réduire les possibilités offertes aux étudiants de trouver un premier emploi a constitué une erreur.
François Hollande mettra en oeuvre une politique migratoire transparente, stable et digne.
Proposition 50 : « J’accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans. Je conduirai une lutte implacable contre l’immigration irrégulière et les filières du travail clandestin. Je sécuriserai l’immigration légale. Les régularisations seront opérées au cas par cas sur la base de critères objectifs ».
- La fermeté dans la lutte contre l’immigration irrégulière est nécessaire. Des éloignements contraints de ceux qui ont épuisé tout droit au séjour et tout recours juridique, devront être opérés, dans le respect du droit et de la dignité humaine et non sur la base de quotas fixés de façon absurde et arbitraire. Surtout, il privilégiera une lutte efficace en amont, en particulier contre les filières clandestines, qui fragilisent les hommes et les femmes qui en sont victimes.
- Les régularisations se feront sur la base de critères objectifs et appliqués de façon uniforme sur le territoire, en tenant compte de la durée de présence, du lien à l’emploi et des attaches familiales, en particulier la scolarisation des enfants.
- François Hollande veut sécuriser l’immigration légale. C’est une condition d’une intégration réussie dans notre pays.
- De plus, (proposition 39), il donnera une impulsion aux échanges entre universités françaises et étrangères et abrogera la circulaire sur les étudiants étrangers.
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