Peuple martiniquais, rassemblé ici ce soir, merci pour votre accueil ! Merci à toi, Monsieur le Maire, cher Raymond, de nous faire une nouvelle fois visiter ta ville, qui a été bâtie par les hommes et par les femmes, mais aussi éclairée par des maires qui ont transformé le cadre de vie de ceux qui sont à Fort-de-France, dans le chef-lieu de la Martinique. Je salue la mémoire d’Aimé Césaire, sans lequel cette ville ne serait pas cette ville, la Martinique ne serait pas la Martinique et la France ne serait pas la France. Je salue Serge Letchimy, qui a pris la suite – et quelle suite ! – et dont je sais qu’il conduira la Martinique vers l’affirmation de ses droits, de son identité, de sa volonté de vivre en dignité et en capacité de montrer qu’elle a toutes les ressources pour être le territoire qu’elle veut être. Je salue tous les élus parlementaires, et en premier lieu mon camarade Louis-Jo Manscour, premier secrétaire de la Fédération, et qui est un grand législateur pour la Martinique et pour la France.
Je suis venu souvent ici, en Martinique, pour des événements heureux, des victoires électorales, pour des moments plus douloureux. J’étais là au mois d’août 2005 pour la cérémonie qui marquait l’hommage de tout un peuple à l’égard des victimes d’une catastrophe aérienne – et j’ai déposé, ce soir, une gerbe pour ces victimes dont les droits ne sont pas toujours reconnus et qui attendent réparation. J’étais là, aussi, dans ce moment si tragique, si douloureux, où vous avez accompagné Aimé Césaire dans sa dernière demeure. C’était en 2008. Vous voyez, je suis un ami de la Martinique. Je suis un ami des Antilles. Je sais ce que vous avez apporté. Je sais ce que vous attendez, même si vous ne réclamez rien, ce que vous espérez, c’est-à-dire la reconnaissance, la dignité, l’identité. Je vous ai entendus, tout au long de cette soirée, ceux qui s’exprimaient. Je vous ai entendu dire toute l’attente que vous portez sur ma candidature, tout l’espérance que je dois soulever ici comme partout ailleurs. Je vous ai entendu dire que vous allez vous mobiliser. Je le crois ! Parce que tout l’enjeu de cette élection, ce n’est pas de savoir si la Gauche va gagner ici, en Martinique. L’enjeu est de savoir si, avec une participation élevée, vous allez permettre la victoire de la Gauche partout en France. J’ai le sentiment de ne pas vous avoir quittés. Au début du mois de juillet, j’étais là pour les primaires citoyennes et vous m’avez accordé votre confiance. J’ai demandé à être votre candidat. Je le suis ! Mais, aujourd'hui, devant vous, je vous demande non pas simplement de m’appuyer et de me soutenir, je vous demande de faire que le candidat qui est là devant vous devienne le prochain président de la République.
Je vous vois rassemblés ici, autour de Michel, le président du comité de soutien. Je vous vois rassemblés, les Socialistes, le Parti progressiste martiniquais, le mouvement Bâtir, la Gauche, les élus ici présents que je salue. Le rassemblement est là – enfin, presque ! Et ceux qui ne sont pas encore là aujourd'hui seront là demain, parce que le rassemblement de la Gauche, c’est la condition pour gagner. Et ce que vous avez montré là, ce soir, ici en Martinique, comme hier les amis en Guadeloupe, c’est que vous, ici, vous vous êtes déjà rassemblés – et c’est le modèle que vous donnez à la Métropole, que vous donnez à la France. Si les progressistes veulent gagner, c’est au premier tour qu’ils doivent se mobiliser pour l’emporter, au premier tour parce que c’est là que la dynamique s’engage, c’est là que deux, seulement deux des candidats se retrouvent pour le second tour.
Et nous ne voulons pas revivre un certain 21 avril 2002. Plus jamais ! Je me souviens encore de cette soirée-là, terrible moment où nous apprenions sur la foi des estimations que c’était l’extrême droite et que ce n’était pas Lionel Jospin qui était au second tour face au président sortant, à l’époque Jacques Chirac. Je me souviens que nous attendions les résultats, parce que vous votiez plus tard, de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane – mais c’était trop tard. Alors j’ai fait une promesse, j’ai fait un serment : ne plus jamais revivre un 21 avril. Alors, je vous demande, dans ce moment où l’extrême droite ressurgit, parce que la crise, parce que la souffrance, parce que la désespérance sont les terreaux qui permettent à l’extrême droite, aux idées de haine, de rejet, de repli, de prospérer, je vous demande de mettre la Gauche au plus haut au premier tour, pour conjurer la menace de l’extrême droite et pour battre la Droite.
Mes chers amis, je viens dans un contexte difficile, difficile d’abord ici, en Martinique. Je mesure les souffrances, les difficultés, les impatiences : chômage élevé, chômage des jeunes insupportable, accès au logement de plus en plus difficile, la vie chère et puis ces inégalités insupportables, cette précarité qui gagne, cette pauvreté... Oui, je peux comprendre qu’il y ait de la part de votre peuple l’idée que la République n’est pas là, que la République a manqué à ses devoirs, à ses promesses. Eh bien, je suis le candidat de la République qui doit faire que l’égalité soit reconnue partout et que l’espérance revienne sur tous les visages des citoyens de France.
Je viens dans un contexte particulier, aussi, parce que la crise est là, implacable, parce que la spéculation n’a pas été vaincue, parce que les marchés dominent et parce que, en définitive, ce sont les défenseurs des marchés qui viennent donner des notes à des pays ou à des Etats en fonction de critères qui leur appartiennent. Qui donc a pu, au sommet de l’Etat, vouloir être évalué par une agence de notation ? Qui donc a remis l’appréciation de sa politique à une agence plutôt qu’au peuple français ? La confiance que je réclame est celle du peuple français, des citoyens, et non pas une confiance des marchés, qui doivent être dominés par la démocratie et qui ne doivent pas soumettre la démocratie. Je viens dans un moment particulier où, nous l’avons appris, la perte du triple A a été prononcée par une agence. Cette dégradation inquiète, je le sais, beaucoup de nos concitoyens qui s’interrogent sur les conséquences d’une telle décision, qui savent, sans être experts, qu’il sera plus coûteux pour l’Etat, les collectivités locales, les entreprises et les particuliers de recourir à l’emprunt. Qui ont parfaitement compris que si les taux d’intérêt progressaient et si les déficits s’alourdissaient, ce serait, pour la croissance, une nouvelle fois une contrainte de plus. Je sais aussi les craintes face à une crise de la zone euro toujours présente, persistante, qu’il y ait l’appel à de nouvelles disciplines, la menace de nouvelles sanctions et que ce soit, pour notre pays, une austérité supplémentaire qui s’annonce. Je sais tout cela. Et je veux vous dire, ici, que ce n’est pas la France qui a été dégradée : c’est une politique, une stratégie, une équipe, un gouvernement, un président de la République, ce n’est pas la France qui a été ainsi sanctionnée. Nous avons, en nous-mêmes, tant d’atouts, tant de forces, tant de capacités que nous ne devons rien craindre si nous savons les mobiliser. C’était une erreur, c’était une faute de la part du président sortant que de fixer comme objectif, voire comme obligation, de garder cette notation à tout prix, c’est-à-dire y compris avec deux plans de rigueur en quelques mois et je ne sais combien de « sommets de la dernière chance » qui devaient régler la zone euro. Aujourd'hui, Nicolas Sarkozy appelle au courage. Mais où était le courage quand, en 2007 comme candidat, il promettait aux Français qu’avec son élection tout redevenait possible ? Où était le courage quand il multipliait les promesses fallacieuses ? Où était le courage quand, une fois président, il accordait des avantages fiscaux aux plus favorisés ? Où était le courage quand il s’exonérait des règles du pacte de stabilité en pensant que la France pouvait s’affranchir de telles disciplines ? Où était le courage lorsqu’il improvisait une politique au fur et à mesure des conséquences de la crise ? Et où serait le courage, après avoir allégé les impôts des plus puissants en début de mandat, de demander maintenant à tous les Français de payer la note – et c’est le mot que j’emploie à dessein – de payer la note avec une hausse de TVA et d’autres prélèvements ? Mais où serait le courage, en fin de mandat, d’avoir ainsi cette conception de la justice ?
Je veux dire aux Français que ce moment difficile peut être surmonté, que la politique a aussi des capacités, par elle-même, de donner une force, une confiance – mais qu’il y faudra des conditions. Je dirai tout au long de cette campagne, aux uns comme aux autres, à vous ici en Martinique comme à tous les Français en Métropole, je leur dirai que le redressement est possible, qu’il est nécessaire, que nous sommes un grand pays et que nous avons toutes les conditions pour réussir. Mais le redressement ne sera possible que si nous laissons large place à la croissance, car sinon l’austérité s’imposera sans résultat. Des disciplines sont nécessaires. Le sérieux est indispensable. Mais il n’y aura pas de politique qui permettra de nous libérer de nos dettes et de remettre nos finances publiques aux normes si nous n’avons pas une croissance que nous soutiendrons et au plan national, et au plan européen. Il n’y aura pas de redressement s’il n’y a pas une mobilisation de toutes les forces de la production, de la création, de l’initiative. Et vous, ici, vous serez sollicités. Il n’y aura pas de redressement s’il n’y a pas de maîtrise de la finance, de changement des comportements bancaires, de lutte contre la spéculation, de mise en cause d’un certain nombre de produits qu’on appelle dérivés parce qu’ils n’ont plus aucun sens. Il n’y aura pas de redressement si nous ne changeons pas un certain nombre de règles à l’échelle du monde, de l’Europe et de la France. Nous avons un adversaire, dans cette campagne : ce n’est pas la Droite, c’est le capitalisme financier, ce sont les marchés sans limite, c’est la recherche du profit jusqu’à l’indécence ! Il n’y aura pas de redressement s’il n’y a pas de la justice et de la solidarité. Et si les efforts seront, sans doute, réclamés, eh bien ce seront d’abord les privilégiés, les puissants, les favorisés, les fortunés qui seront appelés aux sacrifices et non pas les Français dans leur ensemble. Tel est le sens de ma candidature. C’est ma responsabilité.
Et c’est pourquoi j’estime que la Gauche, oui la Gauche, toute la Gauche, est mieux placée dans cette épreuve pour relancer le pays, parce que justement nous appelons à un changement profond des règles du jeu à l’échelle de l’Europe et de la France. La Gauche est mieux placée parce qu’elle porte les idéaux de justice et de solidarité. La Gauche est mieux placée, parce qu’elle a le sens de la responsabilité, que la Droite qui a échoué, échoué à sortir notre pays des déficits et de la dette et échoué à sortir l’Europe de la crise de la monnaie unique.
Je veux, avec vous, relever le défi. Ce défi, il est aussi celui de tous les Outre-mers. J’ai conscience que la Martinique, comme d’autre régions, est une chance, un atout, un levier. Je ne dis pas cela parce que je suis devant vous, mais grâce à vous, la France, la République est présente partout dans le monde, rayonne, influence, n’a pas de frontières simplement dans sa géographie métropolitaine, mais des frontières partout dans le monde.
Oui, grâce à vous, la France a en patrimoine la biodiversité, la France a une capacité de produire des énergies nouvelles. Grâce à vous, la France a un espace maritime, des ports – qui doivent être, d’ailleurs, modernisés et vous y travaillez. Et puis, la France a tant de chance d’avoir votre langue, votre culture, vos qualités, vos réussites. On saluait vos sportifs, vos talents culturels, vos personnages historiques. Merci la Martinique ! Merci les Antilles ! Merci l’Outre-mer de nous faire plus grands que nous sommes !
Je n’ignore rien de vos difficultés, je l’ai souligné dès l’entrée de mon propos. Quand la Métropole va mal, l’Outre-mer va encore plus mal, parce que tout y est amplifié. Les prix sont plus élevés. Le chômage est plus haut. La pauvreté est encore plus élargie à des catégories qui, en Métropole, arrivent à s’abriter. Les inégalités sont encore plus insupportables et, en définitive, les conditions de la vie sont rendues plus difficiles : deux fois plus de chômage ici que dans l’Hexagone, une production par habitant inférieure de moitié à ce qu’elle est en Métropole, des ménages quatre fois plus nombreux en proportion à vivre de minima sociaux, des prix plus élevés pour tout – pour l’alimentation, pour l’essence et même pour le téléphone, et même pour le numérique, et même pour les taux d’intérêt. Tout est plus cher ! Tout est plus cher parce qu’un système s’est organisé ainsi. Mais, en même temps, tout est plus dur, parce que là où l’Etat est attendu, il se désengage, se retire. Je ne peux pas accepter les réductions de postes dans l’Education nationale, parce qu’ici, elles ont encore davantage de conséquences que partout ailleurs, avec la déscolarisation et l’échec. Je ne peux pas accepter que l’hôpital public soit mis en déficit, parce que c’est l’accès aux soins de tous qui est ainsi en cause. Je ne peux pas accepter que les administrations ne soient plus là pour régler, finalement, ce qu’est leur devoir : l’accompagnement des entreprises, l’accueil des personnes les plus en difficulté. Vous ne demandez rien, mais vous ne demandez que votre droit d’avoir les mêmes conditions que partout ailleurs, et un Etat présent !
Alors je suis venu ici pour vous proposer un nouveau contrat. Un contrat avec la Martinique comme il y en aura avec chaque région d’Outre-mer. Le premier élément de ce contrat est institutionnel. Il est donc politique. Aujourd'hui, chaque collectivité d’Outre-mer a son statut propre. Et je veux en rendre hommage à Lionel Jospin qui a conduit cette politique et qui a permis que nous en soyons là où nous sommes. Et moi, je veillerai au respect de la volonté des élus et de la population.
Et s’il faut encore permettre des évolutions, je serai non pas accueillant, non pas bienveillant, je serai partenaire de ce que vous déciderez. Il est possible aujourd'hui, dans le cadre de la République, d’avoir des habilitations législatives pour les régions. C’est déjà le cas en Guadeloupe avec Victorin Lurel, que je salue. Eh bien, si vous en décidez ici en Martinique, vous le ferez, et dans des domaines aussi importants que le développement durable, la protection de l’environnement ou tout élément de politique que vous voudrez décider. Vous engagerez une dynamique de responsabilité, c’est ma démarche. Vous demandez à adhérer aux organisations régionales pour représenter la France, vous aurez mon appui. Sans doute, l'Etat gardera ce qui est de sa compétence, c’est normal. Mais vous, vous déciderez de tout le reste, c'est-à-dire de votre conception de l’échange économique, de l’échange culturel, de votre volonté d’être dans votre géographie, comme disait Serge. Et si j’évoquais la Guyane avec Christiane, nous aurions la même position – la Guyane, qui a une frontière avec le Brésil, qui est tournée vers ce continent. Vous serez, là, nos représentants sans que l’on ait de suspicion par rapport à vos intentions, parce que vous apporterez ce qu’il y a de meilleur de la Martinique, mais aussi de la France. Vous nous permettrez d’être plus forts, plus écoutés. Et vous, vous serez bien sûr toujours tournés vers la France et l’Europe, mais tournés aussi vers vos voisins, vos amis, vos partenaires. Voilà le premier élément du contrat.
Le second élément, il est économique, il est productif. Vous voulez développer des secteurs créateurs d’emploi. Vous voulez imaginer votre économie à dix ans, vingt ans, et je sais que vous y travaillez. Vous voulez connaître les besoins de la population, les gisements d’emplois possibles, les filières qu’il serait souhaitable ou de préserver (filières agricoles), ou de valoriser. Nous ferons ensemble ce travail, et nous aurons là une capacité supplémentaire de croissance et de création d’emplois. Cela vaut pour les énergies, cela vaut pour le tourisme, cela vaut pour l’agroalimentaire, cela vaut pour un certain nombre de productions. Car je vous comprends : pourquoi faudrait-il toujours importer des produits plus cher, que vous pouvez fabriquer ici si vous savez vous organiser en conséquence ? C’est vous qui avez la réponse, et c’est nous qui vous donnerons les moyens de l’organiser.
Il y aura la question de la défiscalisation. J’étais, tout au long de l’après-midi avec Michel, en dialogue avec les acteurs économiques et les entreprises. J’ai entendu leur message. La défiscalisation, elle a son mérite, elle a son rôle à la condition d’en fixer clairement les limites et de donner une durée et une stabilité pour qu’aucun acteur économique ne découvre au bout de quelques mois que ce qui a été promis par l’Etat est déjà remis en cause, comme nous l’avons connu avec le photovoltaïque. La défiscalisation sur le logement social a pu être un apport, et je le reconnais bien volontiers. Mais ça ne peut pas être un substitut à la politique du logement, qui doit apporter des crédits budgétaires, qui doit apporter une épargne qui doit s’investir ici, et qui doit aussi porter sur d’autres logements que le logement social. Parce que l’accession à la propriété, c’est un droit aussi pour les Martiniquais !
Les entreprises demandaient également une visibilité sur les investissements publics. Il y a du retard par rapport à ce qui avait été promis. Il y a des équipements à engager. Je parlais de ports, mais il y a aussi des équipements en termes de transports routiers et ferroviaires à mener. Nous les ferons ensemble, là aussi. Il y faudra du temps, il y faudra des contreparties, il y faudra de la discussion entre nous. Ce sera dans le contrat. Nous avons le devoir, les uns et les autres, de mobiliser tous les financements possibles. Ils ne sont pas que budgétaires, ils ne sont pas que fiscaux. Est-il acceptable que l’épargne locale ne soit pas investie localement, ici dans votre région ? Ne faudrait-il pas, et je le propose à l’échelle nationale, qu’un livret d’épargne dédié aux petites et moyennes entreprises soit offert au dépôt par les banques, pour que cette épargne soit affectée directement vers l’investissement productif ? Et, de la même manière, quand j’évoque une banque publique d’investissement pour la France, il faut qu’elle ait aussi sa représentation ici pour accompagner les entreprises dans leurs projets de développement et de croissance.
Mais dans le contrat que nous aurons à passer ensemble, il y aura la grande priorité, celle que j’ai choisie comme grande cause de la campagne présidentielle et qui sera le grand sujet du prochain quinquennat, la jeunesse, la réussite de la jeunesse, le droit pour cette génération de vivre mieux que nous alors qu’elle a le sentiment – et pas simplement le sentiment – qu’elle vit tous les jours le déclassement, l’abandon. Comment pouvons-nous laisser à nos enfants une société où le chômage soit le lot commun, où la précarité soit le destin, où la seule ligne d’horizon soit l’attente d’un emploi avec un contrat à durée déterminée, avec un intérim, qui ne produit aucune capacité de fonder une famille et d’accéder au logement ? Nous devons tout faire pour que la jeunesse de France, la jeunesse de Martinique, ait enfin conscience qu’elle est notre seul sujet, notre seul devoir, notre seule responsabilité. Moi, je serai le président, si vous m’en donnez le mandat, qui fera que la jeunesse reprendra confiance et espoir dans la société que nous voulons bâtir avec elle ! C’est pourquoi l’école, l’école de la République, sera la première priorité budgétaire. Je ne viens pas ici prétendre que nous aurons toute liberté pour dépenser. Nous avons les contraintes que chacun connaît. Il faut aussi une stabilité des effectifs de la fonction publique. Mais les nouveaux emplois que nous aurons à créer seront dans l’éducation, et d’abord dans l’école primaire. Parce que tout part de la réussite à l’école primaire pour les enfants. Nous ferons en sorte, ensuite, que la formation professionnelle puisse être véritablement un parcours d’excellence, et pas une orientation subie ou un parcours d’échec. Il y aura toutes les formules, de l’apprentissage au lycée des métiers, au contrat d’alternance. Aucun jeune, je dis bien aucun jeune, entre 16 et 18 ans ne doit être sans solution : ou une formation, ou un contrat d’alternance, ou un apprentissage, ou même un service civique, tout sauf le désœuvrement, l’abandon, l’oisiveté. Nous avons aussi à faire qu’ici, il y ait une université qui soit dotée des responsabilités indispensables, université dont vous devrez être fiers parce qu’il y aura là toutes les formations d’excellence.
Mais je sais aussi qu’il y a d’abord la question de l’emploi. Nous avons des formules qui ont été, hélas, écartées par sectarisme par le président sortant et son gouvernement – les contrats aidés, qui ne peuvent pas être une panacée mais qui étaient pour beaucoup de jeunes une solution qui leur permettait de retrouver confiance dans leur parcours. Eh bien, je le dis ici, les emplois, les contrats d’avenir, ce qu’on appelait les emplois-jeunes, seront d’abord pour les quartiers, pour les départements qui sont les plus en difficulté au niveau du chômage des jeunes. Je proposerai, au-delà de ces emplois du secteur associatif ou du secteur local, un nouveau contrat pour l’Outre-mer, pour les jeunes dans le secteur privé. J’ai ma formule au niveau nationale, le contrat de génération, c'est-à-dire permettre qu’un senior dans l’entreprise puisse être le tuteur d’un jeune, et que l’entreprise qui fait l’effort de garder le senior et d’embaucher un jeune à contrat à durée indéterminée ne paie plus de cotisations sociales sur les deux emplois. Mais j’ai bien conscience que pour l’Outre-mer, avec le nombre de petites entreprises et les difficultés économiques, cette formule peut être adaptée. Donc, il y aura un contrat de professionnalisation pour qu’ici, en Martinique comme dans tout l’Outre-mer, il puisse y avoir une incitation forte pour l’embauche de jeunes dans l’entreprise.
Moi, je ne veux pas qu’une jeunesse au chômage devienne une jeunesse en rupture, une jeunesse marginalisée, une jeunesse reléguée, une jeunesse oubliée, abandonnée. Je sais bien que la violence progresse ici en Martinique, comme en Guadeloupe. Je ne peux pas accepter qu’à l’insécurité économique s’ajoute aussi une insécurité physique. Je ne peux pas admettre qu’une société comme la vôtre, pacifique, humaine, digne, soit une société gagnée par la peur ou par la crainte de conflits sociaux, mais aussi de conflits familiaux. Car quand il y a le désœuvrement, quand il y a le découragement, toutes les ruptures sont possibles. A l’instant, Louis-Joseph disait : il y a peut-être un risque d’explosion. Et Serge ajoutait : oui, une bombe est possible. Eh bien, avant qu’elle n’explose, et cela vaut ici comme ailleurs, c’est à nous et donc à moi de faire en sorte que notre pays et que nos territoires retrouvent la sérénité, la tranquillité et l’espérance.
J’ai entendu aussi votre message de culture. Parce que vous êtes un peuple de culture, c'est-à-dire un peuple qui cherche dans son histoire, dans sa mémoire, à comprendre et en même temps à dominer ce qui a pu, à un moment, vous dominer et vous soumettre. Vous êtes un peuple de culture parce que vous êtes un peuple de liberté, parce que vous inventez vous-mêmes les outils de votre émancipation. Vous avez une langue, une belle langue, et vous demandez qu’elle soit reconnue. J’ai pris, là encore, l’engagement de faire ratifier la charte des langues régionales, sans craindre que la langue française en soit abaissée ou diminuée. La langue française n’a rien à craindre, la langue française est une langue de liberté, c’est une langue qui se donne au monde, c’est une langue de culture qui s’enrichit de toutes les autres cultures et de toutes les langues qui la constituent.
Oui, j’aurai aussi à reprendre cette belle idée de la Cité des Outre-mers qui avait été lancée là encore par le gouvernement de Lionel Jospin et abandonnée en chemin par ses successeurs. Cité de l’Outre-mer qui rappellera l’histoire, la mémoire, la culture, les productions de l’Outre-mer, qui s’exposera, qui se livrera, parce que vous êtes aussi la vitrine de tout ce qu’un peuple, des peuples, ont pu construire ensemble. S’il faut un ministère de l’Outre-mer, et il en faudra, ce ministère de l’Outre-mer ne sera plus placé auprès du ministère de l’Intérieur. Et je ne dis pas cela pour le ministre de l’Intérieur du moment, qui de toute façon ne sera plus là ! Mais tout simplement parce que l’Outre-mer doit être une politique d’ensemble du gouvernement, et sera donc placé auprès du Premier ministre pour que tout soit fait pour que nous ayons cette relation de confiance et cette relation contractuelle avec les territoires.
Ma conception de l’Outre-mer, c’est le développement solidaire. Le développement, parce qu’il est indispensable, et c’est vous qui avez à le définir, à l’organiser et à le mettre en œuvre en fonction de vos réalités. Et la solidarité, c’est à nous de la porter, non pas par grandeur d’âme ou générosité, mais parce que nous sommes dans le même ensemble et que nous avons dans notre diversité des droits communs à faire valoir et des intérêts communs à promouvoir. Nous devons montrer de ce point de vue l’exemple qu’une société, la nôtre, qu’un grand pays, la France, sont capables de livrer au rester du monde. Il est vrai que nous sommes héritiers, les uns et les autres, et de façon sûrement différente, des grands principes de la Révolution française et de la République. La liberté, la dignité humaine, la fraternité, et vous y ajoutez l’identité. Nous sommes ensemble et nous resterons autant qu’il sera nécessaire, et le plus longtemps possible et toute la vie durant – en tout cas la mienne – ensemble, vraiment ensemble, et confiants les uns en les autres, capables d’être unis par des liens qui ne sont pas simplement ceux de l’histoire, qui sont ceux du projet que nous porterons ensemble. Etre français, c’est bien sûr se retrouver par naissance, ou par les hasards de la vie quelquefois, ou par la volonté d’y venir ; mais être français, c’est être porté par un projet qui nous dépasse, c’est être une grande Nation qui s’ouvre au monde et qui ne craint en rien de perdre son identité en étant ouverte, solidaire et généreuse.
Chers amis, c’est pour la France, pour cet idéal, pour la République, pour l’égalité, pour la solidarité, pour la reconnaissance de chacun dans le même ensemble, que je suis candidat à l’élection présidentielle. L’enjeu pour ce scrutin qui s’annonce, à peine 100 jours avant le premier tour, c'est bien sûr le changement. Vous l’avez scandé, ce slogan, le changement. Changer, oui, il faut changer. Et je l’ai entendu en faisant quelques pas au milieu de la presse et de la population. J’ai entendu bon nombre d’entre vous ou de ceux qui étaient là me dire : nous n’en pouvons plus, ça n’a que trop duré, vous êtes le changement, nous sommes le changement. Mais il nous faudra changer de président, c’est la condition ! Mais faire bien plus que cela, il nous faudra changer de politique, changer de méthode, changer de philosophie, changer d’avenir, changer de perspective, oui, changer, changer vraiment. Alors, vous rappeliez – c’était Serge qui le faisait – la venue de François Mitterrand pour une élection, celle de 1974. Il est revenu souvent, et il y a eu bien des dialogues entre François Mitterrand et Aimé Césaire. Et chacun venait avec sa force de caractère, sa culture, s’enrichir l’un de l'autre. Je ne veux pas ici simplement imiter ou répéter. Serge et moi, nous avons chacun notre personnalité. Nous n’avons aujourd'hui que des destins à construire et des projets à faire. Mais c’est vrai que c’est une belle référence. J’ai entendu aussi des déceptions qui ont été rappelées, parce qu’on attend toujours plus de la Gauche que de la Droite, et on a raison ! Et en même temps, la Gauche doit faire bien plus que la Droite, parce que la Gauche doit répondre à des valeurs, à des principes, à une morale. Et donc, vous avez raison d’être exigeants. Et en même temps, j’ai le devoir de vous dire que je ne viens pas multiplier les promesses, que je ne viens pas ici faire des engagements de circonstance. Je viens dire qu’il faudra prendre patience, qu’il faudra avoir une démarche ensemble de responsabilité, qu’il faudra viser le temps long et en même temps répondre aux urgences. Oui, nous allons faire ce changement, et vous allez me permettre ce changement, et vous allez être les militants, les porte-parole de ce changement.
Je veux terminer par un propos qui, finalement, inspire ma campagne. Ce propos est d’Aimé Césaire, qui écrivait : « C’est quoi une vie d’homme ? C’est une lutte entre l’espoir et le désespoir, entre la lucidité et la ferveur. » Et il concluait son propos : « Je suis du côté de l’espérance, mais d’une espérance conquise, d’une espérance, lucide. » Eh bien voilà, il avait trouvé la formule. Je suis le candidat aujourd'hui de l’espérance lucide, et je veux être demain le président qui fera qu’en lucidité, les François choisiront l’espérance.
Merci pour votre accueil, vive la Martinique et vive la France !
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