A l'occasion du conseil municipal du 5 mars 2012
Une fois par an, et c'est obligatoire, est organisé un débat d'orientation budgétaire lors de la séance qui précède le vote du budget.
A Courbevoie, le texte présenté par la mairie est particulièrement faible, reprenant telle une liste à la Prévert des actions déjà engagée, mais ne montre aucune perspective, ni aucune priorité.
Voici le texte de l'intervention de Ingrid Fasshauer :
"Nous discutons ce soir autour d’un document censé nous éclairer sur les données financières importantes pour la gestion de la ville sur le court et le moyen terme, comme cela est précisé dans le préambule.
On pourrait donc légitimement s’attendre, d’une part à trouver des données financières, d’autre part à trouver des éléments éclairant l’avenir. Or ce document présente peu de chiffres. Pour les projets, seuls ceux concernant l’aménagement sont chiffrés. Quant aux perspectives, elles s’arrêtent bien souvent en 2011 à tel point que j’ai cru dans un premier temps qu’il y avait eu erreur dans l’envoi des documents. Mais il m’a fallu me rendre à l’évidence, c’était bien du budget 2012 que nous parlions mais avec des projets de 2011. Le court terme est donc très limité et les perspectives à moyen terme quasiment inexistantes.
Et pourtant il y aurait beaucoup à dire ! A commencer par le contexte, essentiellement le contexte national. C’est avoué à demi-mots, l’état se désengage, transférant la réduction de ses déficits sur les communautés territoriales. Rappelons cependant que les collectivités territoriales n'ont pas droit de voter un budget en déséquilibre, contrairement à l'Etat, qui cependant donne des leçons!
Quelles conséquences pour notre ville ? Le document est muet sur ce sujet. Pourtant les conséquences de la politique nationale sont pour certaines déjà connues, déjà visibles et les projets de la ville font figure de rustine pour réparer de manière très insuffisante les conséquences de ce désengagement.
Prenons le grand projet de cette mandature, du moins annoncé comme tel pendant la dernière campagne municipale, le plan lecture. On comprend que cela se résume à la création de postes d’assistants de bibliothèques. Certes ces postes sont importants et le travail fait par ces agents est remarquable, mais ils ne sont en aucun cas suffisants pour garantir l’objectif de 100% d’enfants sachant lire à la sortie du primaire. Pour cela, il faut avant tout des enseignants, bien formés et en nombre suffisant. Il faut des structures spécialisées pour les enfants en difficulté. Or on ferme des classes et le réseau de RASED de notre ville se trouve fortement amputé. On pénalise ainsi les enfants les plus en difficulté.
Un autre exemple concernant la jeunesse, décidément bien maltraitée. La mairie propose l’ouverture de l’Espace Santé Jeunes mais ferme dans le même temps le service des infirmières scolaires alors que l’Education Nationale n’est pas en mesure de prendre le relais. Là encore le remède est largement insuffisant.
Autre secteur pour lequel la situation nationale influe sur les actions locales, l’action sociale. Le nombre de dossiers traités par le CCAS est en très forte augmentation. Nous ne pouvons que le déplorer, la précarité augmente sur notre ville comme sur le reste du territoire national. Cela demanderait à tout le moins de connaître cette nouvelle population mais on nous annonce que l’analyse des besoins sociaux, pourtant obligatoire, se poursuit. Cela fait quatre ans que nous la réclamons. Comment penser que le partenariat avec K d’Urgences qui a permis d’aider 3 familles (pour 4000 enfants vivant en famille monoparentale), que les permanences du Crédit Municipal de Paris présentent une réponse satisfaisante ? Terminons l’analyse non exhaustive de l’impact du contexte national par le logement. C’est un problème majeur, dans notre ville encore davantage que dans d’autres. Que nous propose-t-on ? La création de 8 logements sociaux rue Winburn et « d’autres projets qui seront étudiés en 2012 » Plutôt vague pour un si gros problème.
Le deuxième élément de contexte donné est la réforme des mécanismes de péréquation horizontale et du fonds de solidarité de la Région Ile de France. Autant l’action de notre député sur la politique nationale était étrangement absente de l’examen du contexte national (c’est parfois difficile d’être à la fois maire et député), autant le document d’orientation budgétaire loue l’action de la ville pour cette réforme qui amènera une baisse du versement de Courbevoie pour 2012. Rappelons que depuis des années, cette contribution, pourtant amplement justifiée par la présence de La Défense sur le territoire de notre ville dont nous avons jusque-là bénéficié des richesses sans en supporter les coûts, est toujours présentée dans les documents budgétaires en mentionnant le nombre de places en crèches qui pourraient être créées. Maintenant que la ville voit sa participation baisser, combien de places va-t-on construire ? Visiblement ce qui était valable dans un sens ne l’est plus dans l’autre sens puisque la seule création de crèches concerne l’établissement Winburn, projet déjà bien avancé et qui n’a rien de nouveau.
On comprend la prudence du document lorsque l’on sait que la situation est évolutive et que, loin d’être une baisse, la péréquation horizontale risque d’être une charge supplémentaire dans le budget de notre ville. Le fonds du FPIC va passer de 150 Millions en 2012 à 1 Milliard en 2016. La ponction prévue pour Seine Défense est de 2,9 M€ ... (répartie en Seine Défense et les 2 communes). En 2016 la ponction pourrait avoisiner 17 M€ si l’évolution de la contribution de l’intercommunalité suit la progression du fonds. ... Quant au fonds de solidarité entre communes de l'Ile de France), il passera de 190 Millions d’Euros en 2012 à 250 Millions en 2015. Quelles conséquences pour notre ville ? De tout cela le document d’orientation ne dit pas un mot.
Le troisième élément de contexte est l’intercommunalité. Il est pourtant très difficile de trouver la moindre information concrète dans le document d’orientation budgétaire. On envisage de nouvelles études, pour l’interconnexion des bus locaux, les plans vélos, la gestion de l’eau et de l’assainissement ; on envisage une amélioration des conditions d’accès aux équipements sportifs et culturels mais sans mentionner un quelconque projet concret. Comment cela s’articule-t-il avec la politique culturelle et sportive de la ville de Courbevoie ? Pas un mot. Pour la piscine on poursuit l’étude d’un équipement ludique. Pourquoi une telle étude prend-elle autant de temps ? Il existe un équipement ludique à Puteaux. Comment cela sera-t-il pris en compte ? Quant à la politique culturelle et sportive, on peine à la trouver dans ce document. Souhaite-t-on ouvrir les pratiques sportives et culturelles au plus grand nombre, sachant qu’aujourd’hui nombre de structures affichent des tarifs inaccessibles aux plus modestes ou offrent un nombre de places insuffisant au regard des besoins. Que va changer la labellisation du conservatoire en « rayonnement communal » ? Une ville de 87000 habitants ne peut-elle pas viser un conservatoire régional, voire national ? Comment s’articule le « rayonnement communal » avec l’existence d’une intercommunalité ?
S’il est un secteur qui devrait indiquer les tendances à moyen terme, c’est le plan d’investissements, tant en terme de bâtiments que d’aménagement urbain.
Les projets d’aménagement urbains sont pour la plupart des projets déjà lancés, voire déjà terminés (square des Boudoux, Parc de Lattre de Tassigny). Les projets de requalification de l’espace public manquent aussi cruellement de mise en perspective. On annonce ainsi le réaménagement de la rue de Bezons sans aucune référence au projet cœur de ville ou de la rue de la Liberté sans mentionner son intégration dans le réaménagement du quartier de la gare de Bécon.
En ce qui concerne les bâtiments, la ville a l’obligation de rendre d’ici 2015 tous les bâtiments communaux accessibles. Cela devrait être la grande priorité de la mandature et, en 2012, le projet devrait être dans sa phase de réalisation. Pourtant, le budget consacré à cet enjeu est généreusement de 450 000 Euros (pour des estimations supérieures à 11 Millions d’Euros au total).
Quelques projets sont mentionnés mais là encore sans aucune mise en perspective. Quelques écoles seront réaménagées mais pourquoi celles-là plutôt que les autres ? Des projets pourtant déjà annoncés tels que la rénovation de l’école Malraux semblent avoir disparu. Pour les gymnases, le gymnase entrée de ville est lui aussi un projet dont on nous parle depuis des années. Quant au gymnase Pompidou il ne sera rénové qu’en 2014. J’invite les conseillers municipaux à constater par eux même dans quel état de délabrement il se trouve, faute d’investissements suffisants. Les peintures et les faux-plafonds des vestiaires et sanitaires sont dans un état lamentable et, durant la période de grand froid, la température de la salle du haut devait avoisiner les 0°. Des conditions difficiles pour la pratique sportive de jeunes enfants. Voilà un bon exemple de ce qui arrive quand on n’anticipe pas la maintenance et les investissements. A quand un vrai plan pluriannuel d’investissements ?
Dernier point, le document est étrangement silencieux sur ce qui se passe à La Défense. Jusque-là grand contributeur au budget de notre ville, la poule aux œufs d’or est sur le point de disparaître. Il faut désormais trouver plusieurs dizaines de millions d'euros pour remettre à niveau la dalle, les tunnels et entretenir ce patrimoine. En plus, le modèle économique s’essouffle et la Défense perd de son attractivité. M Kossowski, vous êtes vice-président de l'Epadesa, membre du conseil d'administration de Defacto et donc parfaitement informé des difficultés économiques de La Défense. La situation financière de l’EPADESA a un impact sur les capacités de financement de DEFACTO dans lequel notre commune joue un rôle important. Ces difficultés pèseront inévitablement sur le budget de notre ville. Pourquoi continuer à se voiler la face au risque de mettre les finances de la ville en danger. Car pour ce qui concerne le financement, le document d’orientation budgétaire est particulièrement elliptique. On souhaite maintenir un faible taux d’endettement et un faible niveau d’imposition. Cela ressemble plus à un vœu pieu qu’à une prise en compte de la réalité.
Pour résumer, le document d’orientation budgétaire est extrêmement incomplet. Il passe sous silence nombre d’éléments indispensables à une mise en perspective et à une compréhension des enjeux qui s’offrent à notre ville pour les années à venir. Ainsi les projets proposés apparaissent sous-dimensionnés et ne permettent pas de répondre aux besoins des habitants de notre ville. Les quelques projets intéressants (accessibilité, centre pour enfants autistes, épicerie solidaire) traînent en longueur sans que l’on puisse voir les progrès faits d’une année à l’autre. De nombreuses études sont faites mais apparaissent éparpillées sans vision globale ni classement des priorités. La politique d’une ville de cette importance ne s’improvise pas. Elle est le fruit d’une vision, d’une ambition dont nous ne voyons ici nulle trace."
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