« POLD » ? Quezaco ?
Vous ne savez pas ? C’est l’acronyme de Paris Ouest La Défense, le nom du nouveau « territoire » qui regroupe onze villes et qui a été créé début 2016 pour établir un échelon intermédiaire entre la métropole du Grand Paris et le chapelet des 131 villes qui la composent.
Ce conseil de territoire gagne à être connu, il est amené à présider de plus en plus aux destinées des quelque 560 000 habitants de nos onze villes et a déjà en charge le plan local d’urbanisme des onze villes, l’habitat (partagé avec la métropole), le plan climat-air-énergie, les compétences liées à l’eau, l’assainissement, les déchets etc.
Réclamé à cor et à cris par les villes de la région parisienne qui rechignaient pourtant depuis des lustres à se grouper en intercommunalités (ce, à la traîne de tout le reste de la France) pour ne pas se faire engloutir d’un seul coup dans la Métropole du Grand Paris, ce nouvel échelon territorial a encore plusieurs défauts de jeunesse et ses élus encore un peu de mal à intégrer le fait métropolitain. C’est peu dire…
Comment on fait disparaître un des six « minoritaires »
D’abord les défauts de naissance : ces territoires ayant été créés après les dernières élections municipales de 2014, leurs membres ont été élus par les conseils municipaux ce qui a mécaniquement renforcé les majorités. Ainsi, alors que les majorités des onze villes ont été élues par 57% des électeurs, elles regroupent 93% (vous lisez bien) des élus de ce conseil. Oui, les oppositions au sein du conseil de territoire de POLD ne pèsent que 6 élus sur 90… ! Vous imaginez que l’espèce menacée des conseillers hors du courant dominant aurait droit à un minimum d’égards ? Vous vous trompez ! Qu’un de ceux-là vienne à démissionner pour raison personnelle, et une incroyable faille législative fait qu’il peut être remplacé par un élu majoritaire ! C’est ce qui vient d’arriver à Rueil où Patrick Ollier, président de la Métropole du Grand Paris, a préféré passer outre la représentation démocratique… Pas glorieux et, de 6, les « minoritaires » sont passés à 5…
POLD à l’épreuve de la « souveraineté communale »
C’est que nos chères majorités des onze villes sont trop occupées à négocier laborieusement entre elles pour se laisser « distraire » par leurs oppositions. En effet, pas facile de discuter avec les villes voisines surtout que c’est tout nouveau. Trois des onze villes en étaient encore restées jusqu’en 2015 au village gaulois superbement isolé du reste du monde : Levallois, Neuilly et La Garenne-Colombes avaient toujours refusé mordicus de se rapprocher d’un quelconque voisin. Courbevoie et Puteaux, elles, avaient créé une mignonne intercommunalité à… deux villes, unique en son genre.
Alors, à POLD, depuis deux ans, on tâtonne et on se regarde en chiens de faïence…
On commence par se rassurer en déclamant dans la charte de fonctionnement qu’on respectera la « souveraineté communale », terme grotesque qui oublie les cours d’instruction civique où on apprenait que la souveraineté ne réside que dans le peuple, et non pas dans tel ou tel découpage administratif, même pour le petit confort d’élus habitués à être les seuls roitelets chez eux.
Ensuite, on organise le vide : ainsi, une glorieuse délibération du 20 décembre dernier a fait redescendre aux villes presque toutes les compétences qui étaient territoriales du fait que certaines des onze les avaient mutualisées dans les agglomérations préexistantes. POLD, où comment les villes les plus « cancres » du travailler-ensemble arrivent à imposer leurs vues aux autres…
Enfin, pour les quelques compétences obligatoirement dévolues au territoire comme le plan local d’urbanisme, on maintient dans les faits le pilotage par chaque ville et on respecte scrupuleusement la charte de non-ingérence dans une commune « étrangère » à la sienne : chacun son petit pré-carré et les vaches seront bien gardées ! Mais là, on n’est pas dans l’Europe de l’après-guerre, on est dans les Hauts-de-Seine en 2018 !
De même, pour les finances, le maître mot est « sectorisation » : on compte à l’euro près ce que coûte chaque ville et ce qu’elle rapporte. Bonnes gens, vous n’imaginez pas le danger d’une mutualisation de telle ou telle petite compétence avec vos redoutées villes voisines… On a quand même envie de demander comment ont bien pu faire les provinciaux dans leurs 1200 regroupements de communes ?
La solidarité à POLD : les pauvres priés d’aider les riches
Ainsi, alors que la politique de la Ville est une de ses compétences obligatoires, et que pourtant seuls quelques quartiers de ce riche territoire –tous situés à Nanterre- en relèvent, une bataille de chiffonniers menées fin 2017 par les villes les plus riches de POLD (et de France…) au premier rang desquelles Levallois, Neuilly, Puteaux et Courbevoie a forcé Nanterre à financer entièrement seule cette politique… L’enjeu financier était de taille : environ 1€ par habitant de POLD… Encore trop pour ces villes et tant pis si un cadre urbain apaisé autour de la Défense ne ferait que renforcer l’attractivité de ce quartier d’affaires pour le profit de toutes et tous. On avait pourtant compris que c’était la toute première priorité figurant dans le projet de territoire voté en juin dernier… Notons au moins la désolidarisation des maires de Rueil et Suresnes dans cette mesquinerie.
En revanche, la solidarité est priée de jouer quand il s’agit des obligations de logements sociaux ! Alors que 5 villes sur les 11 n’atteignent même pas l’ancien objectif fixé il y a près de 20 ans de 20% de logements sociaux, POLD a cru bon signaler dans son projet de territoire qu’il lui semblerait juste de ne pas payer d’amende au prétexte que sur l’ensemble des onze villes, 26% des logements sont sociaux. Et devinez grâce à qui ? A Nanterre notamment et ses 56% de logements sociaux !
Les conseils territoriaux : moins on y parle, moins on en parle, mieux c’est !
Alors, dans ce contexte chaotique et peu glorieux pour POLD, il y a au moins un point d’accord entre les majorités de nos onze villes : on ne va quand même pas s’embêter avec les élus minoritaires, ni se faire du mal avec la publicité et la transparence de l’action du territoire !
Le conseil territorial du 8 mars dernier en a été un bel exemple. Il a d’abord fallu exiger que l’on obtienne par mél le compte-rendu du bureau du conseil territorial, club des 11 maires où tout se décide, quand le conseil de territoire ne décide de rien au presque.
Ensuite, un sujet d’urbanisme faisait partie des sept malheureuses délibérations « abandonnées » ce jour-là par le bureau au conseil de territoire et, comme toujours pour l’urbanisme (puisque rien n’est fait à l’échelon intercommunal à POLD) elle ne concernait qu’une seule des onze villes. C’était la mienne, Courbevoie et il s’agissait de voter sur le caractère d’intérêt général de l’opération sur le village Delage, îlot Paul Bert.
Eh bien, figurez-vous que la « meute » des conseillers majoritaires qui n’étaient pas de mon bord politique m’est tombée dessus quand j’ai pris la parole !
Un collègue m’a expliqué après pourquoi : « tout le monde s’en foutait » ! Bien sûr, car par définition 10 villes sur 11 n’étaient pas concernées… N’empêche, j’aimerais bien voir dans la communauté urbaine de Lyon si tout le monde s’en fiche autant quand on parle d’une opération d’urbanisme à Villeurbanne… Et puis, on ne traitait là que de vétilles, l’expropriation à venir de quelques petites gens à cause d’une négociation calamiteuse avec les « gros » de la banque HSBC. Ça, c’est de l’intérêt général, du vrai, du franc, du massif !
Quand j’ai voulu reprendre la parole, là, le Président Kossowski et la « meute » m’ont carrément interdit de rouvrir le bec… C’est comme ça, point barre. Ça se passe comme ça dans les Hauts-de-Seine ! J’ai eu une petite pensée à ce moment-là pour ma collègue Anne-Eugénie Faure qui s’était fait agonir d’injures par Patrick Balkany en conseil municipal à Levallois…
Bouquet final : j’ai tenté un vœu, autorisé par le règlement intérieur mais refusé par le Président Kossowski. Il s’agissait pourtant d’une question que j’espérais consensuelle : celle de mettre les décisions de POLD qui concernent tout de même 560 000 habitants intégralement en ligne, comme le fait déjà la Métropole du Grand Paris. J’ai insisté et posé la question oralement : il m’a été répondu que cela serait étudié dans un délai non précisé, mais que cela avait « un coût alors que POLD cherchait au maximum à limiter les dépenses »… !
J’ai cru rêver : mais non, on ne parlait pas des subventions-petits fours allègrement votées dans le secret du bureau de POLD, ni des 400 000 euros d’indemnités que ce conseil se vote tout en limitant au maximum ses prérogatives, on parlait bien de mettre sur internet quelques dizaines de délibérations tous les deux mois…
Alban THOMAS, Conseiller Municipal
Président du groupe Tous pour Courbevoie
Les commentaires récents